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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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j’entendis le roulement
du tonnerre, je crus l’avoir rêvé, mais des gouttelettes venues du jardin me
rafraîchirent. J’entendis crachoter la flamme de la torche. Elle s’éteignit. Le
tonnerre gronda plus fort. Bethesda me serra contre elle, murmurant quelque
invocation dans son idiome secret. La pluie maintenant tombait dru, sifflant
sur les tuiles et les pavés. Une pluie assez forte pour curer les égouts de
Rome et laver les rues – la pluie bénéfique dont les poètes nous
disent que les dieux l’envoient pour purifier de leurs péchés les pères comme
les fils.

9
    Le lendemain, tôt levé, j’allai me laver à la fontaine du
jardin. La pluie avait duré toute la nuit. La terre était noire et grasse. Des
gouttes ruisselaient de toutes les branches. Le ciel, légèrement teinté de
rose, était opalescent comme de la nacre. Je le vis par touches imperceptibles
passer au bleu, s’irradier, sans un seul nuage, annonçant la chaleur du nouveau
jour. Je mis ma tunique la plus légère, ma toge la plus nette, et grignotai un
bout de pain. Je laissai Bethesda endormie, avec la chatte à demi enroulée
autour de son cou comme une étole.
    D’un pas rapide, je gagnai la maison de Cicéron. Nous étions
convenus la veille que je passerais avant d’aller inspecter le lieu du crime.
Mais, à mon arrivée, Cicéron me fit dire qu’il ne se lèverait pas avant midi.
Il était sujet à des troubles chroniques des intestins et se reprochait d’avoir
fait une entorse à son régime en acceptant un pruneau chez dame Cæcilia.
Aimablement, il me prêtait Tiron pour la journée.
    L’air avait un parfum de propreté. Mais le temps d’arriver à
la porte Fontinale, la chaleur s’était emparée de la ville. Les murs de brique
suintaient : la moiteur remplaçait la fraîcheur du matin. J’allais, m’essuyant
le front avec le bord de ma toge. Du coin de l’œil, je vis que Tiron souriait,
l’air béat. J’imaginais facilement la cause de sa belle humeur, mais n’en
soufflai mot.
    Le cirque Flaminius est entouré d’un labyrinthe de rues.
Celles qui lui font face et attirent les foules offrent côte à côte boutiques,
tavernes, lupanars et auberges. Au-delà, des maisons de trois à quatre étages
font écran à la lumière du soleil. Ces rues se ressemblent toutes et sont un
mélange d’architecture de toutes sortes et de tous âges. Vu la fréquence des
incendies et des tremblements de terre, Rome ne cesse d’être rebâtie. La
population va croissant, les parcelles se concentrent aux mains des gros
propriétaires, ce qui explique la médiocrité des constructions les plus
récentes. Depuis que Sylla est au pouvoir, les problèmes n’ont fait qu’empirer.
    Nous avons pris le chemin décrit par Sextus Roscius, tel que
l’avait consigné la veille le jeune Rufus Messalla, de son écriture abominable
et quasiment illisible. Je dis à Tiron combien il était dommage qu’il ait été
occupé ailleurs et n’ait pas pu prendre de notes.
    — Rufus, étant noble, ne s’est jamais donné la peine d’apprendre
à former ses lettres, tandis que tu me parais manier le stylet avec fermeté.
    Cette remarque anodine le fit rougir jusqu’aux oreilles.
    Depuis la maison de Cæcilia, notre itinéraire empruntait les
artères les plus larges, bordées de commerces, évitant les recoins dangereux.
Nous débouchâmes sur une grande place ensoleillée, avec en son centre une
citerne publique.
    — Par là, dit Tiron en étudiant les notes de Rufus. Du
moins je crois, ajouta-t-il en fronçant le sourcil.
    — Oui, je me rappelle : un passage étroit entre
une buvette et un immeuble badigeonné de rouge.
    Je regardai autour de la place et dénombrai six rues. Le
vieux Sextus avait pris la plus étroite cette nuit-là. Elle formait un coude, n’offrant
presque aucune visibilité. C’était peut-être le plus court chemin pour
rejoindre Elena. Peut-être le seul.
    J’avisai un homme qui traversait la place. Quelque marchand,
à l’aise sans être riche, à en juger par sa tenue. On voyait qu’il était du
quartier. Il s’arrêta près du cadran solaire monté sur un piédestal, et le
regarda en tordant le nez. Je m’avançai, une citation aux lèvres.
    — « Que les dieux foudroient celui qui le premier
a inventé les heures ! »
    Il sourit et enchaîna aussitôt.
    — « Pitié ! Pitié pour moi ! Ils ont
découpé ma journée comme les dents d’un peigne. »
    Nous rîmes de

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