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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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lèvres, me dirigeai vers la sortie
et appelai Rufus. Je leur tins la portière à tous deux et me retournai vers
Sextus Roscius qui se mordait les ongles, seul au milieu de la pièce.
    — Une ombre terrible pèse sur toi, Sextus Roscius d’Ameria.
Que ce soit la honte, la peur, la culpabilité, je n’en sais rien, et tu n’es
visiblement pas disposé à me l’expliquer. Mais que ceci te rassure, ou te
tourmente, selon le cas : je te promets que je ferai tout pour découvrir l’assassin
de ton père, quel qu’il soit ; et j’y parviendrai.
    Roscius frappa des deux poings ses accoudoirs. Ses yeux
brillaient, mais il n’avait plus de larmes.
    — Fais comme tu veux, s’exclama-t-il. Je ne t’ai rien
demandé. Comme si la vérité avait de l’importance, comme si elle signifiait
quelque chose ! Vas-y, va reluquer les traces de sang sur la chaussée !
Va voir où il est mort à côté de son lupanar ! Quelle différence cela
peut-il faire ? Même ici, je ne suis pas en sécurité…
    Et ainsi de suite. Je laissai retomber la tenture, qui
étouffa cette litanie d’insultes.
    — J’ai l’impression qu’il nous cache quelque chose, fit
Rufus tandis que nous repartions.
    — Certainement. Mais quoi ? (Cicéron faisait la
moue.) Je commence à comprendre pourquoi Hortensius l’a laissé tomber. Cet
homme est impossible. Je ne peux pas le défendre contre son gré ! On voit
pourquoi Cæcilia l’a exilé dans ce coin nauséabond. Je regrette de vous avoir
fait perdre du temps. Je me demande si je ne devrais pas abandonner moi-même.
    — Je ne te le conseille pas.
    — Pourquoi ?
    — Parce que l’enquête vient de démarrer, et que c’est
un début prometteur.
    — Comment peux-tu dire ça ? Nous n’avons rien
appris d’intéressant. Cæcilia ne sait rien. Quant à Roscius, qu’est-ce qui peut
bien l’effrayer à ce point, qu’il refuse de collaborer avec ses propres avocats ?
Malgré tout, par Hercule, je suis sûr qu’il est innocent ! N’est-ce pas
ton sentiment ?
    — Peut-être. Mais tu te trompes si tu crois n’avoir
rien appris. J’ai cessé l’entretien, car j’ai déjà assez de matière pour m’occuper
pendant deux jours.
    — Deux jours ? fit Cicéron en trébuchant sur le
sol inégal. Mais le procès commence dans une semaine, et je n’ai rien sur quoi
bâtir ma défense !
    — Je te promets, Marcus Tullius Cicéron, que d’ici là,
nous saurons non seulement où Sextus Roscius s’est fait tuer – ce qui
n’est pas sans importance, mais pourquoi et par qui. En attendant, je serais très
heureux de résoudre un mystère beaucoup plus simple, mais non moins pressant.
    — C’est-à-dire ?
    — Où puis-je trouver ces fameuses latrines ?
    Rufus rit.
    — Nous les avons dépassées. Retourne sur tes pas,
prends la seconde porte à gauche. Tu les reconnaîtras au carrelage bleu et au
triton au-dessus de la porte.
    Cicéron se pinça les narines.
    — Et à l’odeur aussi. Pendant que tu y es, fit-il en s’éloignant,
tâche de me retrouver Tiron. La dernière fois, il s’est perdu dans les
couloirs. S’il est encore là-dedans, c’est qu’il a un problème. Il n’a que ce
qu’il mérite. Il ferait mieux de suivre mon exemple et de jeûner à midi. Tant
de nourriture par cette chaleur, c’est indigeste…
    Un petit couloir me conduisit à la porte carrelée de bleu.
Des niches dans le mur contenaient des cônes de cendre, témoignages des parfums
brûlés pour camoufler les mauvaises odeurs. Par cette chaleur étouffante, il
aurait fallu renouveler constamment l’encens, mais les serviteurs de Cæcilia n’avaient
pas fait de zèle, ou bien tout était destiné au sanctuaire de la déesse. Je
passai sous la lourde tenture bleue.
    Aucun peuple sur terre n’égale les Romains en ce qui
concerne l’adduction de l’eau ou le traitement des ordures. Comme me disait un
Athénien spirituel : « Nous sommes dirigés par une nation de
plombiers. » Pourtant, dans cette luxueuse villa au cœur de la ville, tout
allait de travers. Le dallage avait besoin d’être récuré ; le conduit en
pierre était bouché. Et quand j’actionnai la valve, l’eau sortit en un mince
filet. Un bourdonnement me fit lever les yeux : une toile d’araignée
remplie de mouches agonisantes recouvrait l’aération.
    Je me dépêchai de faire ce que j’avais à faire et ressortis
en retenant mon souffle. C’est alors que j’entendis des voix étouffées de

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