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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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l’autre
côté du couloir. Je reconnus celle de Tiron.
    L’autre voix était celle d’une jeune femme, à l’accent de la
campagne, mais non sans raffinement. Les mots laissèrent place à des soupirs.
Je compris sur-le-champ.
    J’aurais pu me retirer. Mais j’avançai et collai mon oreille
à la portière en tissu jaune. Et moi qui pensais que ce regard m’était destiné,
et que Majora était restée en arrière pour mes beaux yeux !
    Ils parlaient à voix basse, à dix pieds de moi à peine.
    — Je n’aime pas cet endroit, disait-elle. Ça sent mauvais.
    — C’est la seule excuse que j’ai pu trouver. Si mon
maître vient me chercher, il faut que je sois dans les parages.
    — D’accord, d’accord.
    Elle laissa échapper un soupir. J’entendis des bruits de
corps à corps. J’écartai le rideau et jetai un œil.
    C’était une petite réserve, où la lumière blanche qui
tombait d’un vantail haut placé n’arrivait pas à percer. De la poussière en
suspension tournoyait dans l’espace confiné. Parmi les cageots et les sacs, j’aperçus
les cuisses et les fesses nues de Tiron. Les doigts crispés de la fille lui
maintenaient sa tunique relevée sur le dos. Ses reins se pressaient contre le
ventre de Majora, allant et venant, tressautant convulsivement, selon le rythme
immémorial.
    Leurs visages se touchaient, dissimulés dans un pan d’ombre.
Elle était nue. Sa tunique ne m’avait pas laissé deviner la splendeur de ses
courbes voluptueuses, ni la pureté de sa chair ferme et blanche. Ruisselante de
sueur, elle luisait comme si on l’avait enduite d’huile. Elle avait lové son
corps contre celui de Tiron et ondulait comme un serpent sur le pavé brûlant.
    — Ça va venir, dit Tiron d’une voix que je n’aurais
jamais reconnue – ni libre ni esclave –, une voix purement
animale, charnelle, venue des profondeurs de l’être.
    La fille noua ses mains sur les reins de l’homme et l’attira
à elle. Elle avait la tête chavirée, les seins dressés.
    — Attends un peu, chuchota-t-elle.
    — Non, ils vont commencer à s’inquiéter…
    — Alors rappelle-toi, tu as promis, comme la dernière
fois. Pas dans moi, ou mon père me…
    — Ça vient !
    Tiron poussa un long gémissement.
    — Retire-toi ! siffla la fille.
    Elle enfonça ses ongles dans la chair tendre de Tiron et le
repoussa. Il partit en arrière, puis retomba en avant, et s’affaissa lentement
sur elle. Il colla son visage à sa joue, puis à son cou, à ses seins. Il lui
déposa un baiser sur le nombril, effleurant de ses lèvres les filets de semence
qui brillaient sur son ventre. Agenouillé, il l’enlaça et pressa la tête entre
ses jambes.
    Je la vis toute nue dans le clair-obscur – seul son
visage demeurait dans l’ombre. Elle avait un corps parfait ; délié,
gracieux, blanc comme de la crème ; ni fille ni femme ; un corps
délivré de l’innocence, mais que le temps n’avait pas gâté.
    Sans Tiron entre nous deux, je me sentis aussi exposé qu’elle.
Je reculai. Le rideau jaune se remit en place sans bruit, frémissant comme si
un vent coulis s’était aventuré dans les couloirs.

8
    — Alors ils ont fait ça comme ça, chez la dame riche,
et sous le nez du maître ! Bravo !
    — Non, Bethesda, sous mon nez à moi.
    Je repoussai mon assiette et regardai le ciel. Les lumières
de la ville empêchaient de distinguer les étoiles, mais les grandes
constellations brillaient dans la tiédeur du soir. Vers l’ouest, un banc de
nuages orageux s’étirait. On aurait cru voir la traînée de poussière que laisse
le passage d’une cavalerie. Je m’allongeai sur ma couche, les yeux fermés,
attentif au grésillement de la torche, au crissement d’un grillon près du
bassin et au ronron de Bast qui se frottait contre un pied de la table.
    Bethesda revint. Doucement, elle me souleva et plaça ma tête
sur ses genoux. Contre mes pieds nus, il y eut un petit rebond, puis la chaleur
d’une fourrure. Ma peau percevait la vibration du ronron, plus que je ne l’entendais.
    — N’as-tu pas aimé mon repas, maître ? Tu n’as
presque rien mangé.
    — C’était exquis, mentis-je. Cette chaleur m’ôte l’appétit.
    — Tu n’aurais pas dû tant marcher. Tu aurais dû dire à
cette dame de t’envoyer une litière.
    Bethesda me caressait les cheveux. Je portai ses doigts à
mes lèvres.
    — Tu travailles trop, Bethesda. Je t’appelle paresseuse
pour te taquiner, mais ce

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