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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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chanta, rejoint cette fois par un autre sur la
colline. Ma décision était prise.
    Je tentai de la réveiller aussi doucement que possible. Elle
n’en sursauta pas moins et me fixa comme si j’étais un inconnu. Je fus saisi d’un
doute et me détournai, sachant que toute hésitation de ma part provoquerait ses
craintes et qu’on n’en sortirait plus. Je lui dis d’aller se préparer et de
prendre un morceau de pain si elle avait faim. Nous irions faire un tour dès qu’elle
serait prête.
    J’allai éteindre les lampes. La maison retomba dans l’obscurité.
Quelques minutes après, Bethesda apparut sur le seuil de sa chambre et m’annonça
qu’elle était prête. Il y avait une pointe d’anxiété dans sa voix, mais aucune
défiance. Je priai silencieusement en espérant que je faisais le bon choix,
tout en me demandant à qui j’adressais ma prière.
    Notre raidillon était rempli d’ombres. À la lueur de la
torche, les aspérités des murs semblaient nous agresser. Nous aurions mieux
fait de sortir sans lumière. Bethesda se pendait à mon bras et trébuchait sur
les pavés. Nous pénétrâmes dans une zone de brume, qui montait comme l’eau d’une
rivière. Bethesda tremblait à mes côtés, mais j’étais secrètement soulagé :
j’avais des chances de partir inaperçu.
    Mon maître d’écurie dormait quand nous arrivâmes ; un
esclave s’empressa de le réveiller. Il était fort contrarié : j’arrivais
une heure plus tôt que prévu, et l’on pouvait bien organiser mon départ sans le
déranger. Quand j’expliquai les raisons de ma venue, il se radoucit.
    Durant deux jours, il prendrait Bethesda à son service. Je
lui recommandai de ne pas la surmener : elle n’avait pas l’habitude des
gros travaux. C’était un mensonge, mais je n’avais pas l’intention de la
retrouver épuisée. S’il lui confiait une tâche ménagère, par exemple, elle
gagnerait largement sa pension.
    Je désirais également lui louer deux esclaves pour garder ma
maison. Il soutint qu’il n’en avait qu’un à me proposer. Je le crus quand il
alla le chercher. Un jeune homme aussi laid, aussi énorme, je n’en avais jamais
vu. Il portait le nom étrange de Scaldus. Mais d’où sortait-il, avec une tête
pareille ? Il avait la peau rouge, brûlée par le soleil ardent de ces
derniers jours ; ses cheveux se dressaient par touffes jaunes et sèches
comme les brins de paille qui y étaient emmêlés. Si sa taille ne dissuadait pas
les visiteurs, sa figure y parviendrait. Il devait monter la garde jour et nuit
devant ma porte. Un garçon d’écurie lui apporterait de quoi boire et manger.
Même s’il s’avérait plus faible qu’il n’en avait l’air, il pourrait au moins
donner l’alarme. Quant au prix, le maître d’écurie acceptait de me faire
crédit. Je mettrais ce supplément sur le compte de Cicéron.
    Je n’avais pas besoin de rentrer chez moi, j’avais pris tout
le nécessaire pour mon voyage. Un esclave alla chercher Vespa. Je montai en
selle et vis Bethesda qui me regardait les bras croisés. Elle n’était pas
contente et gardait les lèvres pincées, ses yeux étincelaient de colère. Je
souris en moi-même : elle avait récupéré après le choc de la veille.
    J’eus envie de me pencher et de l’embrasser, au vu et au su
des esclaves et de leur maître ; mais je m’employai plutôt à calmer Vespa,
toute fringante au petit matin. Je la conduisis dans la rue et partis en
douceur au petit trot. Je savais d’expérience qu’une démonstration publique d’affection
envers un esclave est toujours mal interprétée. Quel que soit le geste, il
semble condescendant, emprunté, ridicule.
    Malgré tout, une angoisse me serra le cœur, l’impression que
je regretterais toute ma vie de m’être refusé ce baiser d’adieu.
    La brume était si épaisse que je me serais perdu si je n’avais
pas connu l’itinéraire par cœur. Elle assourdissait le martèlement des sabots
et nous dissimulait aux regards innombrables de la capitale. La ville se
remettait à bouger ; à vrai dire, elle n’avait jamais cessé. Toute la
nuit, des hommes, des chevaux, des convois avaient circulé dans les rues. Je
franchis la porte Fontinale et passai au trot enlevé devant les urnes de vote
du champ de Mars, débouchant sur l’imposante voie Flaminia.
    Rome, invisible, reculait derrière moi. L’odeur d’égout fut
remplacée par celle de l’humus. À travers la brume, le monde semblait

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