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Du sang sur Rome

Du sang sur Rome

Titel: Du sang sur Rome Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Steven Saylor
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appris l’affaire assez tôt pour faire
enfoncer ma porte dès le lendemain. Quelqu’un qui était résolu à me tuer si je
persévérais.
    Plus j’y réfléchissais, moins je comprenais, et plus le
danger me semblait imminent. J’avais peur pour Bethesda. Ne sachant d’où venait
la menace, comment pouvais-je la protéger ? Seule la vérité nous mettrait
à l’abri.
    Après la seconde traversée du fleuve, je fis halte sous un
grand chêne sur la berge. Tandis que je me reposais, un fermier et ses trois
aides arrivèrent, suivis d’une trentaine d’esclaves à pied. Le fermier et deux
de ses hommes mirent pied à terre et s’assirent en tailleur à l’ombre, tandis
que le troisième emmenait les esclaves, enchaînés par le cou, boire à la
rivière. Le fermier n’était pas liant : après m’avoir jeté des regards
soupçonneux, les trois hommes m’ignorèrent complètement.
    Je mangeai un morceau de pain et pris une goulée de vin,
chassant paresseusement une abeille qui tournoyait au-dessus de ma tête. Les
esclaves s’aspergeaient le visage et buvaient, agenouillés sur la rive, comme
des animaux.
    J’aurais bien aimé dormir, mais les gémissements continuels
et le claquement du fouet me mettaient les nerfs à vif. Pour un riche fermier,
les esclaves valent moins que le bétail. S’ils meurent, on les remplace sans
peine ; les esclaves arrivent aussi nombreux à Rome que les vagues sur la
grève. Je repartis sur ma monture.
    Il faisait de plus en plus chaud. Je ne vis pratiquement
personne de tout l’après-midi. J’aurais pu être seul au monde. Quand j’atteignis
Narnia, les activités reprenaient doucement. C’est une grosse bourgade, connue
pour son marché aux bestiaux.
    J’allai jusqu’à la grand-place, ombragée d’arbres, entourée d’échoppes
et d’enclos. Des odeurs de paille et de fumier stagnaient dans l’air.
    J’aperçus une petite taverne. Sur la porte en bois, un
carreau de faïence représentait un jeune berger, un agneau jeté sur les
épaules. Il faisait sombre à l’intérieur, mais au moins, il faisait frais. Un
vieillard émacié, assis à table, regardait fixement dans le vide. Le patron
était un Étrusque exceptionnellement gros et gras, aux dents jaune foncé, si
énorme qu’il semblait occuper toute la petite pièce. Il m’apporta une coupe de
vin de pays.
    — Il faut combien de temps pour aller à Ameria ?
demandai-je.
    Il haussa les épaules.
    — Faut voir. Le cheval est frais ?
    J’étais tout rouge et ruisselais de sueur, mes cheveux
étaient couverts de poussière.
    — Pas plus que moi.
    Il fit la moue.
    — Une heure si tu le forces, plus si tu tiens à le
ménager. D’où viens-tu ?
    — De Rome.
    Le mot m’avait échappé. Toute la journée, je m’étais bardé
de prudence, et il suffisait d’une goutte de vin pour me desceller les lèvres.
    — De Rome ? Tout ce trajet en un jour ?
Tiens, bois encore un coup. T’inquiète pas, je vais le couper d’eau. Rome. J’ai
un fils là-bas. Du moins, j’en avais un. Engagé par Sylla comme soldat. Contre
un terrain, soi-disant. P’t-êt’bien. J’ai plus de nouvelles depuis des mois…
Rome ! Ça fait une trotte, dis-moi. Tu as de la famille à Ameria ?
    Il est plus facile de faire confiance à un gros qu’à un
maigre. La trahison se voit comme une cicatrice sur un visage hâve ; elle
se dissimule mieux dans les replis d’une face poupine. Seuls les yeux ne
mentent pas, et ceux de mon hôte étaient dépourvus de malice. Il s’ennuyait, il
voulait bavarder, sans plus.
    — Non, je viens pour affaires.
    — Ah ! Tu es bien pressé.
    Malice ou non, je ne lui devais pas toute la vérité.
    — Mon patron est un homme impatient. Aussi impatient qu’il
est riche. Il s’intéresse à des terres, près d’Ameria. Je viens voir pour son
compte.
    — Ouais. T’es pas le premier. Quand j’étais gosse, y
avait que des petits fermiers aux alentours. Des gens du pays, qui se
transmettaient la terre de père en fils. Aujourd’hui, des étrangers rachètent
tout. On ne sait plus quoi appartient à qui. C’est pas au voisin en tout cas !
Mais à un richard de Rome, qui vient deux fois par an jouer au fermier. (Il rit
amèrement.) Et plus les exploitations sont grandes, plus ils amènent d’esclaves.
Ils leur faisaient traverser la grand-place comme à un troupeau, jusqu’à ce qu’on
y mette le holà. On les a obligés à ne plus passer par la route principale.
Quand

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