Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
Vom Netzwerk:
champion dans cette gageure, a
cependant rendu hommage en premier… à la reine. (Il prit une autre lampée, soignant
ses effets d’orateur.) Il paraît qu’elle l’a copieusement injurié et, sans
désarmer, l’a envoyé aux étuves, le sommant de ne se présenter devant elle que
soigné en sa tenue, rasé de frais et parfumé à une autre senteur que le crottin
et la sueur de cheval.
    Bien que cousine germaine par les Visconti, Isabelle
détestait sa belle-sœur qui le lui rendait bien. Entre elles, une sourde
rivalité s’était édifiée aux premiers regards. Isabelle eut un léger sourire de
satisfaction, les battements désordonnés de son cœur reprenaient peu à peu leur
rythme.
    — Il est vrai que Louis m’a saluée la
première. Je suis encore la reine à ce qu’il paraît !
    — Sans compter l’accueil de son nain, le fou
Capucine, qui sautillait autour de lui en piaillant sans cesse : « Tu
pues du cul, le duc ! »
    — Si cela se sait, la rue en fera une chanson,
rit-elle franchement, en buvant une longue gorgée de vin qui acheva de la
rasséréner.
    — J’en ferai une moi-même, si tu m’accordes
encore le plaisir de ce rire à faire bander tous les saints.
    — Tu finiras en enfer, moine sybarite, le
gronda-t-elle pour la forme, habituée aux outrances de son confesseur.
    La faconde de frère Jean dissimulait un homme au
grand cœur. Préférant l’appétence à la pénitence, il prônait le droit au
bonheur à toutes les créatures de Dieu. « Si les hommes étaient de bonne
volonté, la grâce serait sur nous, et le paradis serait sur terre ! »
affirmait-il avec conviction. Ainsi le nommait-on Jean la Grâce.
    La cloche de l’église de Saint-Paul se mit à
résonner de nouveau, battant vêpres.
    — Je ris et tu t’enivres, reprit-elle, pourtant
les circonstances ne sont toujours guère réjouissantes. Le jour va passer et
Bois-Bourdon tarde à me donner des nouvelles de ses recherches.
    — Autant chercher une aiguille dans une meule
de foin, toutes les routes mènent à Paris, dit-on. À propos de votre capitaine
si bien nommé, connais-tu l’histoire de la reine des abeilles et des
faux-bourdons ?
    — Non, mais je sens que tu vas me la conter, répondit-elle
sans chaleur.
    Elle étouffait dans cette chambre où l’attente et
le mauvais temps la confinaient. Elle en avait assez, sa jeunesse avait besoin
d’espace et de mouvement.
    Jean la Grâce sentait ses impatiences, il s’installa
pourtant plus confortablement sur sa banquette et croisa benoîtement ses mains
sur sa poitrine.
    — Le jour de ses noces, commença-t-il de sa
plus belle voix de basse, la reine des abeilles quitte la ruche et s’enfuit
haut dans le ciel. Elle est aussitôt poursuivie par une nuée de mâles. La
rivalité est féroce, leur nombre assombrit les airs dans les turbulences de
leurs assauts. Ils la veulent tous, quelques-uns seulement la posséderont.
    — Ils seront donc plusieurs ? s’amusa-t-elle,
son intérêt éveillé, mais c’est une bacchanale que tu me comptes là !
    — Plusieurs, certes, auront cet honneur. Mais,
en la possédant, ils y perdront leurs attributs virils qui resteront dans le
ventre de la reine. Ainsi elle fera réserve de leur semence, et tout le reste
de sa vie se passera enfermée, sans amour, à pondre.
    — Et qu’advient-il des bourdons sans leur
virilité ?
    — Ils trépassent aussitôt, les entrailles
arrachées.
    — Bigre ! rit-elle franchement. Grâce à
Dieu, le sire de Graville n’est pas de ces bourdons-là.
    Le chapelain laissa passer un silence.
    — Croyez-vous ?
    Isabelle se figea, le regardant sans comprendre.
    — Souvenez-vous du sort des amants des brus
de Philippe le Bel [16] que je vous ai naguère conté, ajouta-t-il.
    Elle se redressa sur sa couche avec violence.
    — C’en est assez, moine de malheur ! Ne
suis-je pas suffisamment à la peine en ce jour ?
    — Découillus en place publique par tenailles
chauffées à blanc, continua-t-il, implacable. Tel est le châtiment infligé aux
coupables de rapt d’honneur qui font de nobles dames des femmes adultères.
    — L’adultère ! Il n’en est question que
pour les femmes, toutes les femmes ! lança-t-elle en se jetant hors de son
lit. Et qu’en est-il des hommes, des puissants qui font de l’adultère une
institution, sont-ils châtrés ? Les orgies des fêtes de Saint-Denis sont
encore fraîches dans toutes les mémoires. Louis d’Orléans et

Weitere Kostenlose Bücher