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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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le roi menaient la
danse et sacrifiaient à Vénus avec une frénésie qui fait encore scandale. N’ont-ils
pas une épouse légitime ? J’ai donné ma dame d’honneur au roi. Oui, je lui
ai donné Ozanne de Louvain pour son contentement…
    — Et pour votre quiétude, coupa Jean la Grâce,
narquois.
    — Certes ! Je vous l’accorde. Mais
épouse et maîtresse, cela ne peut-il lui suffire ? Et que fais-je, moi, sinon aimer  ?… Est-ce vous, la Grâce, qui me dites que je n’ai pas le
droit au bonheur parce que je suis femme et reine ? Rien ne me fera
renoncer à Bois-Bourdon ! Et si l’on touche à sa personne d’une façon
aussi barbare, je le tuerai avant de mes propres mains, et me tuerai ensuite.
    Isabelle vibrait d’une colère qui n’en finissait
pas et arpentait la vaste chambre. Les larmes ruisselaient sur ses joues. Elle
ne pouvait imaginer son grand amour aux mains du bourreau, elle ne pouvait
imaginer se passer de son amant.
    Elle finit par se rencogner dans l’embrasure de la
croisée qui donnait sur les écuries de son hôtel de la Pissotte. Les herbages
grisâtres s’étendaient, déserts, sous la giboulée glaciale. Les chevaux étaient
rentrés, sa flamboyante Alezane et le fier Alcoboça étaient à l’abri dans leurs
stalles. Les ardeurs de sa jument et du noir destrier de Bois-Bourdon
avaient donné naissance à Alcoboçanne. La pouliche était née le même jour que
le dauphin Charles, qui aurait aujourd’hui plus de quatre ans si Dieu l’avait
voulu. Ses pleurs redoublèrent. Ce qui était accordé à sa jument ne l’était pas
à la reine.
    Jean la Grâce la contemplait avec compassion, et
comprenait sa révolte et sa douleur. Elle était magnifique dans sa fureur, vêtue
simplement d’un bliaut de laine crue, ceint à la taille par une ceinture d’orfroi.
Sa longue et lourde chevelure brune était remontée et enserrée dans un filet
maillé et perlé d’or, dégageant son grand front bombé et la pureté de son
profil.
    Il la laissa s’apaiser en se taisant. Les flammes
des chandelles vacillaient encore du passage de ses emportements.
    — Suis-je condamnée comme la reine des abeilles,
murmura-t-elle enfin, à passer toute ma vie enfermée, sans amour, à pondre ?
Est-ce là mon destin ? Sans cesse vous me rappelez à la prudence, frère
Jean, je sais le souci que vous avez de moi et du sire de Graville que
vous estimez grandement. Lui-même, ajouta-t-elle avec un petit rire mouillé, est
d’une vigilance assommante.
    Elle renifla comme une petite fille. Le chapelain
sortit un linge de la manche de sa chasuble et vint le lui donner. Elle s’épongea
les yeux et se moucha avec application. Enfin, elle posa son front sur la
poitrine de l’homme d’Église en triturant le mouchoir. Il la serra contre lui.
    — Graville craint pour toi, Reinette, pas
pour lui, il donnerait volontiers mille fois sa vie pour la tienne.
    — Je le sais.
    — L’opprobre serait tel qu’il rejaillirait
sur tes enfants, légitimes ou pas. Et ton sort serait bien plus terrible encore,
terrible aussi pour ceux et celles qui protègent ton secret…
    — Taisez-vous ! Jean la Grâce, j’ai si
peur. Seuls les bras de Bois-Bourdon me rassurent, ses étreintes me font
endurer celles de Charles. Il faut que le roi revienne. Il faut qu’il me fasse
des fils encore et encore ! je pondrai puisqu’il le faut, comme la reine
des abeilles. Je m’y engage, mais je n’ai point fait comme elle de réserve de
sa semence, ajouta-t-elle en se prenant d’un fou rire compulsif. Alors il faut
qu’il revienne !
    Une trompe retentit dans le lointain, arrêtant net
le rire nerveux d’Isabelle. L’appel s’enfla de celle d’une autre, puis d’une
troisième.
    — Ce sont les sonneries qui annoncent l’arrivée
de nobles visiteurs, dit-elle en s’éloignant de son confesseur, tremblante d’espoir.
    — Il me semble aussi, répondit-il, l’oreille
aux aguets.
    Il y eut bientôt des cris dans les profondeurs de
l’Hôtel, puis un bruit de pas précipités se rapprocha. Catherine, la
chambellane, fit irruption.
    — Isabelle, dit-elle tout essoufflée, un
messager envoyé par le sire de Bois-Bourdon vient d’avertir qu’il est
enfin ici présent. On le porte en son Retrait des Études, bien mieux réchauffé
que sa grand-chambre…
    Mais la princesse de Bavière ne l’écoutait plus,
elle courait déjà, aussitôt suivie par son amie d’enfance.
    *
    Bois-Bourdon arriva en

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