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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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Isabelle de
France, ce soi-disant roi d’Angleterre nous prenne Jeanne, bougonna Bourgogne, dont
la colère avait changé de cible.
    — Henri IV a maille à partir avec l’Écosse
qui se soulève contre lui, ne crois-tu pas que c’est le moment d’exiger à
nouveau le retour de ma bien-aimée fille ?
    — Il faut envoyer à ce Lancastre un message
bien senti alors qu’il est affaibli par sa guerre d’Écosse.
    — Voilà qui est bon, sourit le roi. Écrivons-le
ensemble, mon bon oncle.
    Le courrier envoyé à Lancastre fut ferme et
menaçant. Puis le duc de Bourgogne s’en fut en Bretagne. Cette mission
diplomatique calma quelque peu les humeurs du Hardi envers son neveu d’Orléans,
et la Cour put s’esbaudir aux fêtes de la nativité, les premières du siècle, qui
furent somptueuses.
    Isabelle, trop chagrinée, n’en fut pas.

22
Des larmes et de la Rose
    Toutes vous autres femmes
    Vous êtes, vous serez, vous fûtes
    De fait, ou de volonté, putes.
    Roman de la Rose , Jean de Meung
    À hôtel de la Pissotte, Catherine de Fastavavin
se mourait. Depuis des jours, Isabelle ne quittait plus le chevet de son amie d’enfance,
lui tenait la main, épouvantée de la sentir aussi décharnée. C’était la fin.
    Frère Agreste vint lui donner les derniers
sacrements alors que la reine la soutenait dans ses bras. Dans la chambre, il y
avait beaucoup de monde en larmes pour prier. Le rituel achevé, Isabelle éclata
en sanglots.
    Catherine ouvrit les yeux.
    — C’est si beau la Bavière, je m’en retourne,
ne pleure pas, mon Isabelette. Je rentre chez nous.
    Isabelle serra contre elle son corps émacié, la
berça doucement en balbutiant des mots d’amitié et de tendresse. Catherine
pleurait aussi, puis une horrible crise d’étouffement lui fit perdre à nouveau
conscience. Isabelle la tenait toujours, à l’écoute de sa respiration oppressée,
qui se ralentit et devint un râle insupportable à ouïr. Puis, tout s’arrêta.
    La reine, incrédule, n’écoutait plus que le
silence. Alors, elle se mit à hurler le nom de celle qui ne l’avait jamais
quittée depuis sa petite enfance. Ozanne et les chambrières arrachèrent
Isabelle à sa macabre étreinte.
    — Elle est dans les bras de Jean la Grâce, lui
dit doucement frère Agreste.
    — Que me dites-vous là ? demanda la
reine, éperdue de douleur.
    — Je les vois, il l’attendait, elle est dans
ses bras.
    Ozanne, qui sanglotait tout autant, entraîna
Isabelle hors de la chambre mortuaire.
    La reine conçut de la mort de sa sœur un profond
désespoir. Elle fit compter sur sa cassette de somptueuses funérailles, et
acheta des messes perpétuelles à Notre-Dame. Elle la fit coucher, revêtue de
ses plus beaux atours, dans un luxueux cercueil à incrustations d’or et d’argent,
et toute la Cour défila devant le corps. Catherine gisait, sereine, et son
visage avait retrouvé toute la beauté de la santé. Les dames germaniques la
veillèrent nuit et jour jusqu’à la fermeture du cercueil, puis celui-ci fut mis
dans un autre, de plomb. Dans l’une des deux chapelles de Barbette, Isabelle
fit porter la dépouille de sa sœur devant le maître-autel, en attendant qu’Etzel
vînt la chercher. Il voulait que son épouse repose en Bavière, dans le riche
caveau des Ortembourg.
    Elle apprit, dans le même temps, la mort du fils
cadet de Christine de Pisan. Elle lui fit parvenir un billet où elle
écrivait : « Courage, gente dame, Dieu vous a pris votre second fils,
la reine vous rendra l’aîné. »
    Elle-même se souciait beaucoup de la santé du
dauphin Charles, qui déclinait. Il toussait sans cesse et avait pris la
nourriture en dégoût, il en avait été de même pour Catherine de Fastavavin.
Cette étrange épidémie s’était abattue sur l’Hôtel solennel des Grands
Ébattements et ses environs. Beaucoup d’enfants et d’adultes toussaient, sans
nul remède à leurs maux. Ils maigrissaient jusqu’à n’avoir plus que la peau sur
les os, et ils mouraient d’étouffement. Le dauphin de France avait toujours eu
une constitution fluette, et son chevalier-instructeur pensait que l’exercice
était de nature à lui donner vigueur. Ce jour funeste, l’enfant, souffreteux, avait
passé deux petites heures avec son précepteur, puis il s’était entraîné à la
monte sur son poney Attila. Personne ne sut ce qui avait piqué le doux animal, malgré
le nom qu’il portait. Attila s’était énervé sans raison et

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