Duel de dames
infidélités de
son époux, Isabelle ne pardonna pas ce scandale qui consomma la rupture entre
les deux amants terribles.
*
Quand le roi revint en santé à la fin de l’été 1400,
il fut fort étonné de la situation : le Saint Empire avait deux empereurs,
l’Église toujours deux papes et son édit de soustraction d’obédience avait été
promulgué. Quant au royaume, il se scindait en deux parties de plus en plus
virulentes, Orléans contre Bourgogne. Il émergea de sa dernière rechute avec
une force particulière, et une indignation légitime, et décida de mettre bon
ordre dans cette pagaille.
Il commença par les papes. Ne pouvant renier sa
signature, il la confirma et demanda à la Castille, l’Aragon, la Savoie et l’Écosse
leur approbation à la soustraction. Benoît XIII, toujours prisonnier de
son palais d’Avignon, menaça ces princes de les excommunier. Le Saint-Père fit
de même avec le maréchal de Boucicaut et ses hommes qui tenaient le blocus.
Les assiégeants se transformèrent alors en garde d’honneur, tandis que les pays
avignonnistes ergotaient sur la nécessité de la soustraction d’obédience.
Alors que la pression se relâchait autour du
Palais des Papes, Orléans envoya à Benoît XIII des affidés qui lui
permirent de s’évader et de se réfugier à Château-Renard, terre de Louis d’Anjou,
mal servi par son roi à propos de sa Sicile perdue. Ravi de cette occasion de
revanche, il fit bon accueil à Benoît XIII. Le frère du roi jubila, c’était
un moyen de plus de faire enrager Bourgogne, et il avait trouvé un allié en la
personne de son cousin d’Anjou. De plus, Benoît XIII lui envoya cinquante
mille francs en remerciement, et une lettre où il confirmait la promesse de son
prédécesseur : le duc d’Orléans recevrait les États pontificaux italiens à
la chute de Boniface de Rome.
Les pays d’obédience avignonnaise reculaient, et
il se dessinait un courant favorable à la restitution d’obédience. Ce qui
importait au peuple, c’était d’avoir un curé pour les baptêmes, les mariages et
leurs morts, et il n’y avait plus de pape pour les ordonner. Le roi ne se
sentait plus soutenu, et il redoutait fort l’excommunication pour lui-même. Aussi
se laissa-t-il convaincre par son frère d’Orléans de publier un acte de
restitution d’obédience. Le pape d’Avignon était de nouveau le chef de la Chrétienté,
avec celui de Rome. Le Grand Schisme perdurait. Pour ses bons conseils,
Charles VI donna à son frère d’Orléans le comté de Dreux et le
commandement de Toul.
L’Université, qui était pour la soustraction d’obédience,
protesta, menaça encore de fermer ses portes et garda rancune à Louis d’Orléans.
Quant à Bourgogne, il fulminait et demanda audience au roi qui entendit ses
doléances sans se laisser ébranler cette fois. Il lui répondit vertement :
— Ne me parle plus du schisme et des mauvais
conseils d’Orléans. Et qu’as-tu à faire des biens cédés à mon frère ? N’as-tu
pas ton content ?
— Mon empire, je l’ai gagné à la pointe de
mon épée.
— Ton empire, tu le dois à mon père, le roi Charles V
le Sage, qui fut prodigue à ton égard, mon oncle ! Certes, il sut
restaurer le royaume, avec le grand Du Guesclin en reprenant les
possessions usurpées par les Anglais, mais ce ne fut point sagesse de l’écarteler
en donnant des apanages fastueux à ses frères, Anjou, Berry et toi, Bourgogne. Et
quant à tes extensions en Flandres, s’il t’en souvient, c’était sous la
bannière de Saint-Denis, ton épée n’y aurait pas suffi.
Le Hardi avait le souffle coupé de la pertinence
politique soudaine de son neveu. Comme il devenait congestionné,
Charles VI se leva, lui mit amicalement la main sur l’épaule, et lui parla
doucement :
— Je suis fort marri de vos querelles avec
mon frère, nous sommes du même sang et nous avons grand ouvrage. Le duc de Bretagne,
Jean de Montfort, est mort avec le siècle. Il nous faut reprendre notre
fille Jeanne, épouse de son fils encore jeune. Que n’utilises-tu pas ta
puissance et ton autorité pour nous ramener ces enfants, le duc et la duchesse de Bretagne ?
— Il est vrai, concéda Philippe, qu’il faut
faire diligence, des bruits courent que la duchesse douairière de Bretagne,
Jeanne de Navarre, va épouser en deuxièmes noces Henri IV de Lancastre,
qui est tout aussi veuf. Il ne manquerait plus qu’avec notre petite
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