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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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avait tiré si
violemment sur sa longe qu’elle avait échappé à la poigne du chevalier. Le
poney s’était emballé et enfui dans une course éperdue, le petit Charles
cramponné de toutes ses pauvres forces à sa crinière, hurlant d’épouvante. L’obstacle
d’une haie avait fait cabrer Attila, le Dauphin avait vidé les étriers et chuté.
Quand on l’avait relevé, il avait le cou brisé.
    Lorsqu’un écuyer apporta dans ses bras le petit
gisant de neuf ans à sa mère, elle s’effondra d’horreur. Elle dut se coucher, ses
dames autour d’elle en grande désolation. Frère Agreste était en oraison, à son
chevet.
    — Il n’a pas reçu les derniers sacrements, se
désola-t-elle.
    — Il a reçu la communion sous les deux
espèces [84] à la messe de prime, honorée dame. Quel impardonnable péché aurait-il pu
commettre depuis ? C’est un séraphin qui s’est envolé droit au Ciel.
    « Mes petits Charles, songea-t-elle en se
mettant de nouveau à sangloter, la tête enfouie dans ses oreillers. Mes deux
premiers fils frappés de même, celui de l’adultère comme l’enfant légitime. »
    La dépouille du dauphin Charles fut portée à
Saint-Denis en grande solennité, accompagnée de l’affliction d’une noble assemblée.
Louis d’Aquitaine, quatre ans, devint le troisième dauphin de France.
    Le poney criminel fut jugé, condamné à mort et
mené en place de Grève sous les huées, où il fut lapidé par la foule. La reine
ne put s’y opposer, comme pour la mule qui avait tué Perldemay, elle n’en eut d’ailleurs
pas la force, et il s’agissait d’un jugement de haute justice. Quant au
chevalier maladroit qui avait entraîné le dauphin malade dans cet exercice, il
fut dégradé en public de ses éperons et de son épée, dépouillé de tous ses
biens, son blason effacé et couvert de cendres, et condamné à l’exil.
    — Ils ont eu tort, madame, dit frère Agreste
à la reine. Attila et le chevalier ont évité à votre fils la douloureuse agonie
de votre servante, Catherine de Fastavavin.
    — D’où vient donc cette horrible maladie qui
vous dévore les poumons ?
    — Des pestilences qui environnent votre
palais, honorée dame. Ne les sentez-vous pas ?
    — Si fait, frère Agreste, mais qu’y faire ?
    — Les cochons s’en repaissent et répandent
leurs excréments nauséabonds. Et les porcs iront s’engraisser ailleurs.
    Isabelle trouva l’idée ingénieuse, elle était trop
souvent incommodée par les odeurs du voisinage. Elle loua sur sa cassette les
services d’éboueurs, avec des ânes et des tombereaux qui passaient trois fois
par semaine dans les rues du quartier. Les habitants reçurent l’ordre de leur
délivrer les immondices, avec interdiction de les jeter par les fenêtres, sous
peine d’amendes et même de prison. Au Pré-Saint-Gervais, on dressa des bûchers
pour leur crémation. Depuis, il était vrai que l’on respirait mieux à l’Hôtel
royal comme dans le Marais.
    Les conseils de jardinier avaient du bon, était-ce
Jean la Grâce qui les avait inspirés à son présent aumônier ? Le roi fit
promulguer une loi qui imposait ce service à l’ensemble de la capitale et aux
grosses villes du royaume. Mais la loi fut peu suivie, il n’y eut que quelques
rares seigneurs et échevins qui voulurent payer de leurs deniers ces services d’éboueurs.
    Le retour du duc de Bourgogne agrandit la
mesnie de la reine. Avec bonheur, elle retrouva sa fille Jeanne, duchesse de Bretagne,
et son époux, le duc Jean V de Montfort, qui avaient respectivement
huit et dix ans. Les deux jeunes frères de Jean de Montfort les
accompagnaient, et ils furent tous confiés à la garde de la reine.
Charles VI lui alloua une pension confortable pour le train, le
nourrissement et l’éducation des princes et princesses.
    Enfin, sa fille Isabelle lui fut rendue après plus
d’un an de tractations. Le 1 er  août 1401, la reine d’Angleterre
était à Calais. La veuve Plantagenêt de onze ans avait été contrainte sous la
menace, avant son départ, de reconnaître par écrit la légitimité du roi Henri IV.
Charles VI était retombé dans sa maladie habituelle, et Bourgogne s’était
arrogé le droit de le remplacer. La trêve de vingt-huit ans fut confirmée, renouvelable
chaque année. Dans la suite de la reine d’Angleterre se trouvait Jean, le fils
de Christine de Pisan. Si Christine était à Calais, pleurant d’émotion de
pouvoir serrer son

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