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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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égarée la clef de la
courtoisie et de la chevalerie.
    Alors qu’un murmure d’étonnement montait, le
chancelier le fit taire en prenant sa voix de tribun.
    — Où en sommes-nous avec nos antipapes ?
Que ne mettons-nous fin au schisme si nous en avons la clef ? Et qu’en
est-il des vertus chevaleresques qui ont fait le renom du pays de Saint Louis ?
Elles se ridiculisent sur les champs de batailles ! dit-il dans un silence
de mort, et seul Mézières éclata de rire et applaudit. Et vous, qui méprisez
les femmes, pourquoi voulez-vous tant les imiter en vous accoutrant de brocarts,
de dentelles et de joyaux, plus que putains n’en affichent. Où est la virilité
avec vos brayettes gonflées d’étoupe quand vous sonnez comme bourses creuses
avec vos grenailles ? À vous efféminer, vous y mettez toutes vos ardeurs, mais
point à la gloire du royaume dont vous portez avec arrogance le prix de la
sueur et du sang !
    Il sembla que le chancelier de l’Université, par
sa diatribe impitoyable, avait rendu l’assemblée muette. D’ailleurs, nul homme
n’osait bouger, de peur que les clochettes qu’ils portaient à leurs poulaines
ne sonnent malencontreusement, comme bourses creuses.
    Jean de Gerson vint saluer Christine de Pisan
dans ce mutisme ébahi.
    — Madame, je me fais le garant d’écrire un
long traité contre le Roman de la Rose de Jean de Meung. Non point
par galanterie parce que vous êtes femme, mais parce que vous avez raison.
    Le chancelier salua l’assemblée, puis le roi et la
reine, et quitta les lieux.
    Alors que, avec son départ, un terrible chahut
éclatait, Nicolas Flamel se leva. Les trompes rétablirent encore une fois le
silence.
    — Messires et gentes dames, et vous maîtres
si fameux, je vous salue. Mon humble personne ose outrepasser ses droits en
prenant la parole. Mais je dois ici vous faire souvenir que plus l’homme a de
science et plus il sait qu’il ne sait rien. Plus l’esprit avance, et plus il se
fait humble devant la Connaissance. Vous autres, grands clercs, faites fi de
cette vérité, et vos dires et vos écrits tombent comme paroles d’évangile, sans
humilité aucune.
    Il s’approcha de Christine, lui prit la main et
fixa l’assemblée.
    — Faut-il que ce soit un vieillard en deuil
qui vous le dise ? Dieu m’a donné dame Pernelle et me l’a reprise. La
femme est un cadeau de Dieu.
    La salle croula sous les cris et les
applaudissements des dames, mais aussi de certains hommes. Les universitaires, eux,
faisaient triste figure. Christine de Pisan pleurait dans les bras de
Nicolas Flamel.
    *
    Louis d’Orléans, que l’on disait léger avec les
dames, se piqua de courtoisie et fit en son hôtel des Tournelles une grande
fête de la Rose à laquelle Christine de Pisan fut conviée. C’était le jour
de la Saint-Valentin, fête des amoureux et aussi celle de son épouse, Valentine
Visconti. Les chevaliers prêtèrent alors un curieux serment :
     
    À bon Amour je fais vœu et promesse
    Et à la fleur qui est rose clamée,
    Qu’à toujours mais de bonne renommée
    Je garderai dame de toutes choses,
    Ni par moi femme ne sera diffamée :
    Et pour cela prends l’Ordre de la Rose.
     
    L’Ordre était rigoureux et prévoyait de graves
punitions pour les chevaliers qui y manqueraient.
    Isabelle remarqua avec déplaisir que la belle Mariette
d’Enghien, « qui si bien dansait », se tenait au plus près de son
beau-frère. Elle ressentit une telle morsure de jalousie qu’elle ne put s’empêcher
d’en parler à sa cousine.
    — Est-ce ainsi que ton époux illustre son
nouvel Ordre de la Rose ? souffla-t-elle à Valentine.
    Celle-ci avait une coiffure d’une hauteur
étourdissante, un hennin à larges oreilles jointes, matelassées de satin bleu
clouté de perles d’or, sur un bourrelet fauve tissé d’or. Elle en paraissait
plus grande qu’elle ne l’était déjà. La reine regretta aussitôt sa remarque. Bien
qu’elle-même fût luxueusement atournée, sa belle-sœur la dominait par la taille
et par sa sérénité. Cette dernière regarda Orléans, qui devisait avec Mariette
d’Enghien, et sourit.
    — Ne dit-on pas qu’il faut avoir la force de
changer ce qui peut l’être, et la sagesse de supporter ce qui ne l’est pas ?
    — C’est sagesse, en effet, répondit la reine
en souriant aussi, et se voulant légère. Il est vrai que ce beau duc ne
changera jamais.
    — L’important, c’est qu’il fasse de beaux
enfants,

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