Duel de dames
conséquence, moi, duc d’Orléans
m’arme contre Bourgogne. »
Une délégation fut envoyée à Melun, la reine
refusa de la recevoir ; quant à Louis, il répondit qu’il n’était pas
disposé à faire la paix, l’injure était trop vive.
À Paris, Jean sans Peur avait beau jeu. Le dauphin
était le symbole de la continuité du pouvoir royal, et le choc était grand de
cet « enlèvement » perpétré par Orléans et la reine. En interceptant
le dauphin, et en le ramenant à Paris où était sa place, le duc Jean avait fait
le bien.
En septembre, les troupes d’Orléans encerclèrent
Paris, et les escarmouches avec les gens de Bourgogne se multiplièrent, terrorisant
la population. On voyait avec effroi le royaume tourner ses armes contre
lui-même.
Christine de Pisan écrivit une Épître à la
reine, supplique qui l’implorait d’éviter toute effusion de sang, de
trouver un remède au royaume blessé, de sauver l’héritage naturel de ses nobles
enfants, et qu’elle en serait honorée de perpétuelle mémoire comme Notre-Dame
des Cieux.
Berry, Anjou, Navarre et d’autres grands princes
encore s’en mêlèrent, conjurant les belligérants de rendre les armes et de
négocier. Ils ne pouvaient se permettre la ruine d’une guerre civile.
Les fiefs, aussi vastes fussent-ils, ne pouvaient
couvrir les frais de l’armement, de l’administration et de la représentation
des grands feudataires. Ils dépendaient en grande partie des pensions allouées
par le roi, et de son bon vouloir. Le trône vacant, qui tenait le pouvoir
tenait les finances. Jean de Bourgogne, qui exécrait son cousin depuis
toujours, se serait fait damner plutôt que de les lui laisser, ni même les
partager. Orléans n’était pas davantage partageur.
« Le royaume de France est trop petit pour
contenir la si grande haine de ces deux princes », jugeait Isabelle avec
angoisse.
La reine finit par obtenir une rencontre au
château de Vincennes où il y eut d’âpres discussions. Il était important que ni
l’un ni l’autre n’en sorte vainqueur ou défait.
Il fut donc décidé en Conseil de confirmer l’ordonnance
de 1403, signée par le roi, donnant à la reine toute autorité pour imposer son
arbitrage, régler les différends des Lys et licencier leurs mercenaires.
Comme l’avait fait naguère Philippe le Hardi
avec Orléans, Jean sans Peur et son cousin jurèrent sur les Évangiles de vivre
en bonne harmonie, de ne point se faire la guerre, ni en ville, ni sur les
terres du roi. On festoya, et les deux belligérants allèrent se coucher
ensemble, marque de la plus haute considération mutuelle.
Le lendemain, les deux princes défilèrent de
chaque côté de la litière où la reine était assise, entourée du dauphin et de
la dauphine. Elle fut acclamée comme garante de la paix. Les princes
assistèrent à un Te Deum à Notre-Dame, où Orléans et Bourgogne
renouvelèrent leurs vœux de fraternité éternelle.
Isabelle réintégra l’Hôtel solennel des Grands
Ébattements où elle retrouva tous ses enfants avec joie. Mais elle était animée
d’une grande colère, car la trahison de leur fuite à Melun venait bien de sa
maison, le duc Jean le lui avait confirmé avec quelque malice. Elle entreprit, comme
le lui avait conseillé Yolande d’Aragon, de faire grand ménage. Elle fit mener
des enquêtes et se montra sans pitié pour ceux qui furent soupçonnés de félonie
et de médisance. Elle chassa plusieurs de ses dames et conseillères de son
gouvernement. La garde de son sceau fut déchue et certains furent jetés en
prison, comme l’écuyer Robinet ou la comtesse de Breteuil.
Sa colère n’en fut pas apaisée pour autant. Il y
avait trop de divisions à la Cour, il lui fallait des alliances de toutes parts.
Le vieux duc de Berry commençait à se méfier des campagnes fiscales
démagogiques et de la violence de son neveu de Bourgogne. Celui-ci, en se
portant garant de la fin du schisme, venait de s’acquérir les faveurs de l’Université
et d’en exonérer celle-ci d’impôts de son propre chef. Orléans avait tempêté :
« L’Université est faite de plus d’étrangers que de Français, que les
maîtres retournent à leurs écoles et ne se mêlent plus des affaires de l’État. »
La braise couvait toujours sous la cendre.
Le 1 er décembre, la reine, les ducs
d’Anjou et de Berry signaient un pacte, « par foi et serment sur les
Évangiles de se tenir en bonne paix et vraie
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