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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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faites-vous, madame, de frère
Agreste ?
    — Ton confesseur, pardi, comme il l’est déjà.
Qui s’étonnera que tu le voies à l’abri des regards et des oreilles indiscrètes ?
dit Isabelle en riant soudain.
    — Quel chevalier épouserait une femme grosse
d’un bâtard, et bâtarde elle-même ?
    — Celui-là même, justement ! surenchérit
Ozanne. Il est si marri des enfants des autres qu’il lui prend des envies de
les enlever.
    — Et bâtarde des lys s’il t’en souvient, Nicolette,
ajouta la reine.
    La demoiselle de Cholet vint s’asseoir près de
frère Agreste et lui prit les mains.
    — Qu’en penses-tu, mon ami ?
    — Que je te perds, lui dit-il, accablé. Que
ferons-nous s’il t’emmène avec lui en Germanie ?
    — Nous nous entendrons sur la dot avec le duc
de Berry, promit la reine. Quelques seigneuries en France, de bon rapport,
devraient savoir le retenir chez nous.
    — N’est-il pas laid ni vieux, au moins ?
    — Jeune, beau et vaillant, lui affirma Ozanne. Moult
femmes le cherchent, mais ne le trouvent pas. Il en est pour penser qu’il n’aime
point les dames. Voyez comme tout s’arrange : vous lui rendez l’honneur, vous
gardez l’enfant et frère Agreste, et vous assurez une lignée à ce malheureux
seigneur.
    *
    Le soleil se leva timidement sur un été tardif, et
l’hiver qui suivit fut exceptionnellement doux. La même douceur régnait à la
Cour. Orléans gouvernait sans conteste avec la reine, comme les plus proches
parents du roi empêché. Et le nouveau duc de Bourgogne, Jean sans Peur, était
fort occupé à remettre de l’ordre dans son empire et à trouver de quoi remplir
le Trésor ducal. Sa mère mourut à son tour en 1405, un an après son époux. Marguerite
de Flandre reçut les mêmes honneurs à ses funérailles, mais son corps dut
aussi attendre dans un caisson de plomb, car le tombeau de Champmol n’était
toujours pas achevé.
    Nicolette, bien apanagée par Isabelle et le duc de Berry,
avait accouché d’un beau garçon qui avait comblé de joie son époux eunuque.
    Mais les larmes n’étaient jamais bien loin, car
Philippe de Mézières se mourait dans sa cellule des Célestins. Isabelle
lui rendit visite. Le vieux sage était faible, mais avait l’entendement
toujours aussi vif, et il la consola en souriant dans sa barbe de patriarche :
    — Il ne faut pas pleurer, madame, ainsi s’achève
une vie bien remplie. Tout s’achève ici-bas. Après mille ans, ce siècle verra
de même la fin des temps féodaux. J’avais tort de vouloir restaurer l’esprit
chevaleresque, il est mourant, comme je le suis, et il n’y a pas de remède. Il
faut mourir pour naître. Nous vivons dans un monde en pleine mutation, et la
mutation engendre le désordre.
    — Mais qu’en sera-t-il demain ?
    — La renaissance, ma reine, la renaissance.
    Philippe de Mézières fut inhumé dans la
nécropole des Célestins, accompagné de ses frères plongés en oraison. Il manqua
beaucoup à Isabelle, car à qui pouvait-elle s’adresser désormais pour trouver
de si bons conseils et pour l’éclairer sur la vie ?
    *
    Peu de temps après, Isabelle faisait part de sa
peine à Yolande d’Aragon, alors qu’elle contemplait, navrée, le vieux lion
Charlemagne qui se mourait aussi. Sa crinière jadis si somptueuse était miteuse,
ses yeux chassieux, et ses côtes saillaient sous le pelage décrépit. Isabelle
aimait ses bavardages avec la jeune duchesse d’Anjou au caractère bien trempé.
    — Les hommes se prévalent de leur force, mais
qu’en est-il lorsqu’ils sont chétifs nourrissons, ou quand la vieillesse les
rend chenus et tremblants de faiblesse ? discourait cette dernière en
regardant le roi des animaux, épuisé. Et qui appellent-ils alors ? Leur
mère, comme les enfants.
    — Cela est vrai, répondit Isabelle, alors qu’elles
poursuivaient leur promenade et s’arrêtaient devant la cage où s’ébattaient des
lionceaux. Philippe de Mézières le disait toujours : c’est la force
de l’intelligence qui prime. Il disait aussi que, de toutes les bêtes, l’humain
est le moins armé pour survivre. Il n’a point de crocs comme les fauves, ni la
vélocité de la gazelle, ni des ailes pour s’enfuir, ni la puissance de l’éléphant.
Pourtant, il domine la terre car Dieu lui a donné le jugement, pour le meilleur
et pour le pire.
    — Il n’y a pas d’hommes qui vaillent plus que
les femmes, renchérit Yolande. Voyez, depuis

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