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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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que les princes ont cessé de se
quereller et que vous tenez les guides de l’État, le royaume est apaisé.
    Nicolette les avait rejointes devant les singes
qui amusaient les deux femmes de leurs facéties. Elle portait un panier d’oublies [88] pour les animaux.
    — Encore faut-il ne point savoir ce qui se
passe en notre belle capitale, dit-elle avec humeur.
    — Que s’y passe-t-il donc ? demanda la
reine en lançant les friandises que se disputaient les chimpanzés, avec des
mimiques humaines.
    — Il circule des libelles infamants, madame. Ils
disent que vous tenez en petit état vos enfants, et le roi en maladie, et qu’ils
n’ont point suffisance.
    — Qu’importe, lui répondit Isabelle, d’autres
prétendent que je les tiens trop en opulence et m’en font grief. Cela fait la
balance.
    — Vous êtes trop confiante en vos gens, madame,
intervint Yolande. Je connais quelques vipères en votre sein. Il conviendrait d’en
faire le ménage.
    — Madame d’Aragon a raison, marmonna Nicole de Cholet
en lui tendant son panier. Je ne suis pas sourde, et j’entends des personnes
médire de vous alors que vous leur accordez moult bienfaits.
    — C’est tout, Nicolette ? demanda
Isabelle avec contrariété.
    — Certes non, madame, monseigneur Jean sans
Peur, que vous croyez quiet, s’entend à répandre partout le mot de « réforme »
qui flétrit votre gouvernement. Il en abreuve le Parlement, l’Université et les
Parisiens qui l’attendent comme le sauveur à tous leurs maux.
    — Et d’où tiens-tu tout cela ?
    — De monseigneur de Berry à qui j’ai
rendu une récente visite. Il en parlait avec ses conseillers.
    Mais c’était sur la demande de Bois-Bourdon, qui
veillait sur Isabelle dans l’ombre, qu’elle en avisait la reine.
    — Si le Camus le sait, que n’en
informe-t-il le duc d’Orléans ?
    — Il l’a fait, madame, mais « peu lui
chaut ! » a-t-il répondu à son oncle.
    — Le régent se croit tout-puissant, lui
glissa Yolande d’Aragon. J’ai cru comprendre qu’il y avait une grande haine
entre les deux cousins des Lys, plus encore qu’avec l’oncle de Bourgogne.
    Isabelle en avait assez d’entendre les menaces qui
se profilaient à l’horizon. Elle avait tant soif de paix qu’elle ne voulut
point ouïr les sirènes.
    — Eh bien, « peu me chaut aussi » !
lança-t-elle, en se dirigeant d’un pas vif vers les ours où une femelle tenait
tendrement son petit contre elle.
    Elle préférait ce spectacle attendrissant aux
noires perspectives qu’on voulait lui faire voir. Elle eut grand tort de détourner
le regard. Mais elle ne put se boucher les oreilles, le jour de la Dormition, le
15 août 1405.
    Un moine augustin, Jacques Legrand, prêcha ce
jour-là à l’église Saint-Paul, devant toute la Cour et le roi revenu en santé :
    « Votre salut m’est plus cher que vos grâces,
très redoutée reine, car voilà la vérité : dame Vénus règne seule à votre
cour. L’ivresse et la débauche lui font cortège, font la nuit et le jour des
danses immodestes, et efféminent les chevaliers qui ne vont point à la guerre
pour se garder de blessures défigurantes. Et vous, prince d’Orléans, qui jeune
étiez plein de vertus et vous êtes rempli de vices, vous pressurez le peuple et
vous vautrez dans la foutrerie, sans avoir jamais combattu l’ennemi. Un si beau
prince ! la honte de son siècle. Et vous, roi de France, personne n’ose
parler à votre Conseil. Les impôts accablent vos sujets, vos serviteurs et vos
soldats ne sont pas payés. Où va l’argent qui ne va pas au bien de l’État, si
ce n’est à certains qui seuls prospèrent ? Mais il y a un maître plus
grand que vous capable de punir, si, souverain d’un si beau royaume, vous ne
vous appliquez pas à mettre de l’ordre à votre Cour ! »
    C’était vertement dit, et Isabelle en tremblait de
mortification. Les remontrances publiques de Jacques Legrand étaient un crime
de lèse-majesté. Qui était ce moine qui osait ainsi les apostropher en se
prenant pour Dieu ? Elle se tourna vers le roi, s’attendant à le voir
courroucé, mais il souriait. À la fin de la messe, il vint féliciter l’augustin :
« Je vais faire en sorte de tirer profit de vos bonnes paroles ! »
Et Charles VI décida aussitôt d’un lit de justice afin de juger les excès
faits à son insu, auquel il convoqua son cousin de Bourgogne. Mais rien ne
se fit, car il retomba en

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