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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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à savoir qu’elle serait sienne, fier
d’une si riche alliance, comblé par la magnificence de leur mariage le
27 janvier 1389. Les quelques jours avant la cérémonie avaient été
enchanteurs : souriante, brillante, d’humeur égale et aimable, sa fiancée
avait charmé le roi et toute la Cour. Louis était grisé tout en dissimulant une
sourde inquiétude : Valentine Visconti, qui convolait en premières noces, était
une vierge de vingt-deux ans, un grand âge pour la virginité et pour lui qui en
avait dix-neuf. Les pucelles l’avaient toujours ennuyé, trop souvent leur peur
et leurs réticences, le sang, et même leurs larmes le rendaient maladroit, et l’acte
de chair devenait assommant. Il craignait que sa maladresse n’offense une si
grande dame.
    Mais rien ne s’était passé comme il l’imaginait, et
il n’avait guère eu le loisir de se poser des questions tant Valentine s’était
montrée soudain d’humeur belliqueuse, le soir des noces. Elle s’était mise à
discourir sans désemparer sur la beauté et la grandeur du roi, lui laissant
comprendre qu’il aurait été un parti bien plus digne d’elle, et se gaussa des
insuffisances et de l’insignifiance de la reine, qu’elle trouvait courtaude et
hautaine. Elle avait tant fait pour le provoquer comme à plaisir, exciter sa
jalousie et sa colère, qu’il l’avait prise sans plus réfléchir, fort méchamment,
pour la faire taire. À sa grande surprise, Valentine s’était soumise à cette
possession humiliante et brutale ; elle s’était faite douce, humble et
balbutiant de jouissance. Louis n’était pas sans savoir que certaines femmes, comme
les hommes, aimaient à être violentées dans l’acte de chair, mais cette
déviance ne semblait guère convenir à cette noble dame, d’une morgue sans partage.
De plus, en la perçant, il avait bien senti que la voie était déjà toute tracée.
    —  Puella sed non virgo : jeune
fille mais pas vierge, lui avait cité son favori, le sire de Craon, seigneur
de Sablé, alors qu’il se confiait à lui au lendemain des noces.
    — Il aurait été fâcheux que je lui en parle, mais
c’est elle qui y fit allusion en me faisant accroire que l’hymen se dissolvait
de lui-même avec l’âge, s’était-il encore confié.
    — J’ai ouï plutôt qu’il s’épaississait jusqu’à
être comme opercule d’escargot en hiver, lui avait répondu son favori en
éclatant d’un rire gras, et en citant : « À pucelle fanée, verge d’acier ».
    Baron breton, le seigneur de Sablé avait été
l’artisan de ce mariage, il avait arraché Valentine au seigneur de Milan
contre la perspective que sa fille serait un jour, et sans nul doute, reine de
France. Craon était un homme mûr de bientôt quarante-cinq ans, et homme de cour
s’il en était. Parent du duc de Bretagne, il exerçait son emprise perverse
sur Orléans, ne visant à travers lui que l’héritier du trône et le profit qu’il
pouvait en tirer. Craon était un hédoniste, perdu de femmes et de jeux, qui
sacrifiait tout à ses plaisirs. Louis en avait fait cependant son cicérone
alors qu’il n’avait que quinze ans. L’adolescent se montra, de par sa nature, un
excellent disciple. Louis avait l’orgueil des Valois, et son bon plaisir
faisait loi. Aussi la perfidie insidieuse du Breton ne rencontra guère de
difficulté à le convaincre que le premier-né de la reine était un bâtard du
sire de Bois-Bourdon, jusqu’à le rendre complice d’un infanticide [20] .
Mais si la conscience du prince le torturait encore, ce n’était pas pour le
crime d’un bébé de deux mois, mais par la crainte d’avoir, par fausseté, fait
porter une main criminelle sur un enfant de sang royal, ce qui lui vaudrait la
damnation éternelle. Car Louis était un jouisseur, mais aussi un dévot.
    Le prince s’était fait homme, d’une argile moins
facile à pétrir aujourd’hui, et parfois son favori l’irritait par sa langue
acérée. Actuellement, il savait Craon en Bretagne, les courtisans rentraient
par petits paquets, mais l’empêchement du roi et l’ambiance morne de l’Hôtel ne
les retenaient guère, et tous se hâtaient à visiter leurs fiefs, embrasser, pour
certains, femme et enfants, et, pour tous, c’était le temps de collecter le
bénéfice des impôts afin de regarnir leurs bourses épuisées par le voyage du
Midi. Esseulé, Louis s’ennuyait ferme et ruminait.
    Valentine, toujours sans un mot, chassa

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