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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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interdite. Mais il déchanta aussitôt quand il vit que
c’était pour laisser sortir la reine et sa chambellane.
    — Que venez-vous faire en ces lieux, monsieur
mon beau-frère ? l’apostropha Isabelle qui avait le teint livide.
    — Saluer mon roi et me faire compter les
cinquante mille livres qu’il me doit.
    Les yeux d’Isabelle étincelèrent de lueurs violettes.
Elle le gifla à toute volée.

4
À la Pute-y-Muse
    Le mari disait son pré fauché, la femme disait qu’il
était tondu et n’en démordait pas, tant que le mari lui arracha la langue. Alors
elle imita avec ses doigts le mouvement des ciseaux.
    Un autre mari, appelé pouilleux par sa femme, la
descendit dans un puits à l’aide d’une corde passée sous les aisselles ; il
l’enfonça dans l’eau, mais elle n’en continuait pas moins de l’appeler
pouilleux ; lorsqu’elle eut de l’eau jusqu’au front, elle tint les mains
au-dessus de sa tête et fit avec ses deux pouces le geste d’écraser des poux.
    La Contralieuse, Marie de France [18]
    Valentine Visconti tira avec rage sur son peliçon
fermé sur l’épaule par une fibule ; la broche ouvragée sauta, déchirant l’étoffe,
et partit dans les airs en décrivant une ellipse parfaite pour aller se planter,
pointe en avant, dans l’oreille du goupil de la tapisserie au bestiaire qui
garnissait le mur d’en face.
    Nonchalamment appuyé sur les coussins d’une banquette
située en aplomb de la tenture, Louis d’Orléans leva la tête et regarda avec
ennui le bijou qui vibrait encore, tout en songeant que, pour un peu, il l’aurait
pris dans l’œil.
    Valentine se dépouillait de ses vêtements avec des
gestes saccadés, affolant ses dames d’atours. Avec son retour, une puissante
odeur de neige fondue et de froidure avait envahi la pièce.
    Depuis la gifle d’Isabelle, alors que le feu de sa
joue n’était pas encore éteint, Louis devait essuyer sans désemparer les
fureurs de sa volcanique épouse. Et cela durait depuis dix jours, une éternité ;
dix jours que Charles VI était dit « empêché ».
    Chaque matin, Valentine se faisait apprêter dès l’aube
dans l’espoir que le roi les ferait mander, et chaque soir, ses espoirs déçus, elle
se dépouillait de ses vaines parures ; c’était presque devenu un rituel. Cependant,
aujourd’hui, perdue d’impatience, elle était sortie une heure après sixte après
la relevée [19] ,
résolue à forcer l’isolement de son royal beau-frère. Nul doute que sa
tentative avait été vaine, son emportement en attestait. Le jeune souverain
était tenu à son hôtel, comme en forteresse, gardé par les redoutables hommes d’armes
du sire de Graville.
    Sans dire un mot, le nez pincé, les lèvres
blanches, les yeux étrécis de colère, elle jetait au travers de la chambre les
corselet et ceinture, robe et joyaux, dévastait sa savante coiffure en déliant
férocement sa chevelure, éparpillant ses freiseaux et autres ornements de tête.
    « La colère ne sied pas à mon épouse, songea
Louis. Pourtant elle est belle. » Si Isabelle de Bavière faisait
penser à une figurine délicate, Valentine était une liane : plus grande
que la moyenne, fine et souple, dotée d’une chevelure magnifique d’un blond
fauve. Son visage était gracieux, et avait une ressemblance manifeste avec
celui de la reine. Mais cette dernière avait les yeux d’un noir d’encre, alors
que ceux de sa cousine milanaise étaient d’un bleu profond.
    Valentine fut bientôt en chemise, sa tenue
habituelle du dedans. Elle ne supportait ni le froid, ni l’abondance des
encombrantes vêtures à la mode, ce qui n’était pas la seule contradiction de
son caractère. Elle ne gardait en son intimité qu’un doublez, une longue
tunique du dessous qui devait son nom à ce que le tissu était mis à double. Si
peu couverte, elle ne quittait guère en la demeure son chauffe-doux, une pièce
de taille moyenne que l’on surchauffait en permanence en temps de froidure avec
de grands feux et chariots de braises. Louis y étouffait.
    Les cheveux embrouillés, presque nue, elle resta
un temps immobile, reprenant son souffle. Louis admira son corps délié, aux
seins lourds qui contrastaient avec son buste étroit. Le jeune duc se tendit d’un
brusque désir, mais il saurait attendre : elle aimait à faire rimer fureur
avec ardeur. Il se souvenait de l’arrivée éblouissante de sa promise à Melun, en
somptueux équipage. Il s’était enorgueilli

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