Duel de dames
qui ne goûtait que les femmes.
— Mais cela est péché.
— Combien de fois faut-il que je le dise, Reinette,
Dieu n’a rien à faire du mal qui fait du bien. Il a assez de travail avec le
mal qui fait le mal.
— Ainsi, vous me donnez l’absolution ?
— Tu n’en as pas besoin, avait-il laissé
tomber distraitement, plongé dans une soudaine réflexion. J’y vois plutôt là de
quoi réveiller les ardeurs de ton époux.
— Comment ça ?
— Tu es encore bien jeunette à connaître les
roueries du sexe. Réfléchis bien : penses-tu que le roi souffre de son
impuissance, et de l’abandon de son amante depuis la mort de notre bien-aimée
petite Jeanne ?
— Des deux, et même des trois, assurément.
Il est vrai que le roi avait pleuré à la
disparition de sa fille aînée. Il s’était senti maudit dans sa descendance.
— Donc il souffre, voilà qui est bon. Voyons
maintenant avec Ozanne de Louvain comment nous y prendre ?
Cette étrange confession s’était passée quelques
jours avant l’arrivée de Louis le Barbu. Au cours des fêtes qui en
résultèrent, Ozanne s’était rapprochée du roi. Après une chaude nuit d’amour, elle
lui parla doucement en ces termes :
— À négliger la reine, ne craignez-vous pas
la rumeur, mon doux sire ?
— Qui oserait ? avait-il répondu en
caressant le corps rond et blanc à ravir de sa maîtresse.
— Il se pourrait bien qu’un bruit ne s’échappe
hors de l’hôtel de la Pissotte, où la reine vit les étreintes que son époux lui
refuse.
Charles en était resté suffoqué.
— Veux-tu me dire par là qu’elle me trompe ?
— Il est de mon devoir de vous en avertir, doux
sire.
Il l’avait considérée avec stupéfaction.
— N’est-ce point là lui faire trahison ?
Il me semblait que tu aimais Isabelle.
— Si fait, mon doux seigneur, j’aime la reine.
Mais le roi servi d’abord.
Charles n’avait pu en croire un mot. Comme saint
Thomas, il n’en démordrait pas, sauf à le voir de ses yeux. Ozanne l’invita, pour
la nuit suivante, à venir dans la chambre de la reine sans se faire annoncer.
Catherine de Fastavavin avait été mise dans
la confidence. Cette nuit-là, elle s’arrangea pour qu’il n’y ait aucun huissier,
gardant les appartements de la reine, qui aurait révélé la présence du roi en
proclamant son nom comme il se doit.
Le roi s’était introduit comme un voleur, comme le
jaloux qui s’obstine à briser son cœur en surprenant la femme traîtresse. Il se
sentait misérable en entrant silencieusement dans la chambre.
Le spectacle fut édifiant. Caché derrière les
courtines, il avait découvert son épouse et sa maîtresse au lit ensemble. Leurs
gémissements et leur attitude ne laissaient aucun doute. Il n’avait jamais
connu la reine en proie à de telles convulsions de jouissance, et pour cause, il
ne l’avait jamais fait jouir. Ozanne, entre les cuisses écartées d’Isabelle, lui
prodiguait une succion qui la faisait délirer.
La stupéfaction passée, le mâle n’y avait pas
résisté, ainsi que frère Jean l’espérait. Il avait poussé un juron qui ne
dérangea en rien les amantes, il s’était dévêtu à la hâte, avait grimpé sur la
couche et pris Ozanne telle une chienne, alors qu’elle était courbée, à genoux
entre les jambes de la reine. Elle s’était laissé besogner un instant, puis, basculant
de côté, elle avait guidé le sexe gonflé de son amant vers la fente d’Isabelle,
rouge tant elle était lubrifiée, gisante, offerte au sein de sa toison noire. Le
roi s’y était engouffré, enfoncé profondément, l’avait pilonnée sans pouvoir s’arrêter
alors qu’Ozanne étouffait de ses lèvres les cris d’Isabelle. Il avait livré sa
semence avec un rugissement sauvage.
Lorsque le roi avait retrouvé souffle et
conscience, il avait éclaté de rire.
— Maudite Ozanne qui m’a fait accroire que la
reine avait un coquin.
— Mon doux sire, je n’ai rien dit de tel. Je
n’ai parlé que d’étreintes illégitimes, des étreintes dont il m’était
douloureux de vous exclure. Car je vous aime tous deux pareillement.
— Tu m’as bien piégé, avait-il répondu avec
un grand sourire d’aise.
Il ne pouvait savoir à quel point. Jean la Grâce, le
sybarite, en jubila plus encore.
Depuis, Charles VI était aux anges, il avait
toute l’attention amoureuse des deux femmes qu’il désirait le plus. Ils
passèrent les nuits suivantes en
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