Duel de dames
caresses folles, enivrantes, qui se
concluaient toujours dans le ventre d’Isabelle. Il se sentait à nouveau
puissant, et découvrait avec délice la sensualité de sa femme qui ne l’effrayait
plus. Et, fin juin, la reine annonça qu’elle était grosse.
Cela mit Valentine Visconti en rage. La bataille
de la procréation était engagée. Elle multiplia ses provocations à l’égard du
duc d’Orléans, prit soin plus que jamais à toucher de sa précieuse et
mystérieuse bulle les boissons et les mets de son époux. Au début de l’automne,
elle triomphait à son tour, elle attendait un enfant pour le mois de mai de l’année
prochaine. Son astrologue lui assura un garçon alors que la reine aurait à
nouveau une fille.
— Ne te trompe pas encore, l’avait-elle
menacé, car elle n’avait pas oublié sa fausse couche. Le porterai-je à son
terme cette fois ?
— Tu le porteras jusqu’au bout, la rassura
Ambrogio de Migli.
Valentine Visconti rayonna au sein de sa cour
lombarde.
La fin de l’automne vit le retour de la croisade
en Barbarie. Malgré les prédictions de Zizka, Isabelle espérait follement
Bois-Bourdon. Il ne revint pas. La peine d’Isabelle se transforma en colère, elle
lui en voulait, le détestait : il n’était qu’un lâche. Elle décida qu’il
était mort, le deuil lui était plus supportable que son abandon. Cependant, elle
ne put en rester là. Elle finit par prendre langue avec un preux de l’ost d’Orléans.
— Pouvez-vous, monsieur, me donner plus
amples nouvelles de votre capitaine le sire de Graville ? Comment se
porte-t-il ?
— Fort bien, madame, je suppose.
— Mais encore, où est-il ?
— Il a poursuivi avec son écuyer Pascal le Peineux,
le sire de Baudricourt et ses hommes sur Jérusalem.
— Jérusalem ? Pense-t-il faire croisade
en si petite compagnie ?
— Non, pas en croisé, madame, mais en pèlerin.
En pèlerin ? Bois-Bourdon qu’elle avait si
souvent entendu renier Dieu ?
— Mais ils vont se faire tuer par les
mécréants !
— Il y a des pillards musulmans comme il en
va des chrétiens. Le risque n’est pas plus grand. (Le visage du preux s’illumina.)
Voyez-vous, madame, il y avait à apprendre à Tunis pour qui voulait entendre. Les
Ottomans criaient au combat qu’il n’y avait Dieu qu’en Dieu.
— Certes, nous le disons aussi.
— C’est là la découverte, nous ne savions
rien. Ils parlent de Dieu comme nous le faisons. Pardonnez-moi, madame, mais
ils croient comme nous à un Dieu unique. Et s’il est unique, ne serait-il pas
le même ? Messire de Bois-Bourdon, sans doute, l’a pensé aussi, et
veut pousser son pèlerinage jusqu’à La Mecque.
La reine en était abasourdie. Son amant, pèlerin ?
La Mecque ?
— Il est à bout de souffrance, lui souffla
Zizka, il cherche le Seigneur et la rédemption.
Isabelle en resta accablée. Reverrait-elle un jour
son bel amour ?
Ignorant des affres de son épouse, le roi, puissant
en son privé et heureux de l’espoir d’un fils, donnait toute son énergie
décuplée aux affaires de l’État. Ce que lui rapportèrent les croisés le
conforta à unifier l’Église par la guerre s’il le fallait. Il se fit narrer le
déroulement des événements : alors que s’amassaient les forces à Marseille,
il fallut bien trier tant ils étaient nombreux, de toutes sortes et de toutes
obédiences. Puis il fallut bénir la sainte flotte. Qui des représentants du
pape de Rome ou de celui d’Avignon officierait ? Après maintes
alternatives, chamailleries et discussions malencontreuses, il fut décidé que
chaque prélat des deux partis irait de sa bénédiction. Mais rien n’y fit, Dieu
n’était pas de leur côté, ni vraiment contre, d’ailleurs, Il semblait indécis. Tunis,
fortifiée et bien armée, se défendit avec acharnement, les croisés en firent
vainement le siège. Des combats eurent lieu en dehors, laissant de part et d’autre
beaucoup de morts. Enfin les négociations mirent fin à la guerre sainte. Les
Ottomans s’engagèrent à ne plus nuire au commerce en Méditerranée, libérèrent
leurs prisonniers chrétiens, payèrent en argent trébuchant leurs exactions à
condition que les croisés se retirent de leurs territoires. C’était pour le
moins, et la croisade en Barbarie s’acheva à ce prix, elle n’ouvrirait pas le
chemin de la Grande Croisade de Charles VI vers Jérusalem.
Alors Charles VI arrêta sa campagne contre
Rome
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