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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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l’année 1393.
     
    Isabelle travaillait à la gouvernance de sa maison,
mais elle s’amusait aussi et paraissait avec splendeur aux festins, joutes, bals
pour le plaisir du roi. Elle tenait sa cour d’amour en sa salle à parer : la
chambre aux Bourdons. Il s’y déroulait des mômeries de procès qui ravissaient
les dames bavaroises. Elle y invita Valentine et ses Italiennes. Les deux
parties avaient des joutes oratoires qui tournaient souvent à l’affrontement en
courtoisie. De doctes messires mêlaient volontiers leur science aux débats, comme
Philippe de Mézières qui s’en divertissait beaucoup. Le roi y siégeait
parfois, avec son frère Louis d’Orléans. Ce dernier se faisait souvent
accompagner depuis quelque temps par un cardinal, qui était son nouveau favori,
Pierre de Luna, légat du pape d’Avignon. Louis l’appelait son directeur de
conscience. Il avait noué avec lui des liens d’amitié lors du voyage du Midi. Cet
éminent prélat semblait s’insinuer à la cour de France partout où on ne l’attendait
pas, sans doute à cause de sa petite taille replète et de son visage poupin à l’air
innocent.
    La reine était flattée de la présence de cette
éminence à sa cour d’amour. Elle n’avait pas manqué d’y convier Christine de Pisan,
qui ne se fit pas prier pour venir charmer l’assemblée de ses virelais et
rondeaux. La poétesse intriguait beaucoup les dames et seigneurs, et sa
première apparition fut celle de son intronisation. Elle fut soumise au feu
roulant des questions du prestigieux tribunal, qui devait juger de la
pertinence de sa présence, et dont les sentences étaient sans appel. Christine,
d’abord réservée, s’enhardit, et se révéla très diserte, de parole facile.
    — Est-il vrai que votre père était astrologue,
attaché à feu Charles V le Sage ? lui demanda-t-on.
    — Thomas de Pisan avait cet honneur. Il
était homme très savant, non seulement astrologue, mais aussi grammairien et
philosophe.
    — Je l’ai fort bien connu, renchérit Mézières.
Nous avions en commun les voyages, en notre jeunesse. Et je vous ai connue
toute petite fille, madame.
    — Je m’en souviens, monsieur, dit-elle en
rougissant. Mon père avait grande admiration pour vous. Thomas de Pisan
était aussi médecin en l’art fameux des Arabes. Tout comme vous, il était un
adepte d’Avicenne [46] qu’il vénérait, et j’ai en ma souvenance de belles discussions là-dessus.
    Philippe de Mézières hocha la tête en
souriant dans sa barbe fleurie. Une dame lombarde intervint avec réprobation.
    — Madame de Pisan, il n’était pas décent
de vous laisser assister à des conversations qui n’étaient ni de votre âge, ni
de votre sexe !
    — Ce n’était pas l’avis de mon père, répondit
Christine avec humeur. Il espérait un fils, et ce fut une fille. Mais il n’était
point d’opinion que femmes valussent pis par sciences et il prenait grand
plaisir à me voir m’adonner aux lettres. Pourtant ma mère m’en fit grief, elle
voulait que sa fille s’occupe de filasses. Il est bien des femmes à vouloir
rester ignorantes.
    — Vous faites bien la savante, ma fille !
lança la matrone germanique qui avait été mandatée pour chaperonner les jeunes
et trop belles dames de Bavière en cette cour de France de bien mauvaise
réputation.
    Ce sujet donna lieu à un long débat et de
houleuses discussions sur la position des filles, des épouses, des mères, de
leurs devoirs, et de la filasse. Isabelle, qui détestait les travaux d’aiguille,
fut enchantée de cette empoignade.
    Pour finir, Christine de Pisan déclama
joliment quelques vers de sa poésie. Enfin, il fut jugé qu’elle était digne de
la cour d’amour. Cependant elle ne fit pas l’unanimité. Il est vrai qu’il n’y
eut pas une Lombarde pour ne pas contrer l’opinion d’une Bavaroise, et
inversement.
     
    Si Charles VI trompait la paix avec ses
chevaliers qui s’ennuyaient, s’il usait à nouveau sa vie en s’amusant trop, chassant
trop, aimant trop, et buvant trop, il n’avait toutefois pas oublié sa Grande
Croisade, et cherchait, avec son gouvernement, à résoudre les insolubles
problèmes qui l’empêchaient.
    — Il faut d’abord en passer par la soumission
de Jean de Montfort, proposa le bouillant Olivier de Clisson. Ce duc
breton n’a pas répondu à l’appel de la croisade en Barbarie, ni rendu ce qu’il
me doit de l’attentat de l’Hermine. Rien ne

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