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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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suggéra Isabelle.
    — Je me suis promise à Étienne de Castel,
personne d’autre n’aurait.
    La reine s’attendait à cette détermination.
    — Alors, que puis-je faire pour vous ? lui
demanda-t-elle.
    Isabelle voyait bien à l’affliction de la jeune
femme qu’elle ne connaissait pas les secrets de Nicolas Flamel. Se serait-elle
inquiétée de sa ruine si l’or de l’alchimiste avait été à sa portée ?
    — Me faire récupérer les arrérages dus à mon
mari par la Cour des comptes, répondit Christine.
    Les gages des officiers du royaume n’étaient pas
toujours payés. Isabelle promit. Elle-même était très inquiète de cette fièvre chaude
dont Étienne de Castel avait été victime, et qui s’attaquait au roi si
souvent, le laissant plus chétif à chaque fois. Le deuil de Christine de Pisan
aurait pu être le sien.
    *
    — Ils s’aimaient d’amour, n’y a-t-il pas de
bonheur qui dure en ce monde ? demanda peu après la reine à son précepteur,
Philippe de Mézières.
    — Le bonheur est comme un flocon de neige qui
vous tombe au creux de la main : éblouissant une seconde, puis fondu à
jamais.
    — Mais il est neige qui tient, lorsqu’elle
tombe dru et longtemps.
    — Alors elle vous fige, vous ensevelit, et
vous n’avancez plus.
    — Le bonheur n’existe donc pas ?
    — Si fait, madame, il faut le saisir comme un
papillon d’éphémère. Demain, il y en aura d’autres.
    — Êtes-vous heureux, monsieur de Mézières ?
    — Je le suis, dans la solitude de ma cellule
des Célestins, par ma foi et par mes écrits, et j’écris beaucoup en ce moment, pour
le roi.
    — Que nous écrivez-vous ?
    —  Le Songe du vieil pèlerin . Je fais
parcourir à la Reine Vérité et à ses Dames toutes les régions de la terre, afin
de leur montrer l’étendue du mal qui corrompt les hommes sous toutes les
latitudes. Cet ouvrage a la prétention d’encourager votre époux à réformer le
royaume, à signer une paix durable avec l’Angleterre, de mettre fin au schisme,
et enfin de conduire les chrétiens réunis dans une croisade contre les
infidèles.
    — C’est pourtant son vœu le plus cher, et il
s’y emploie. (Elle réfléchit un instant.) Votre Songe, une fois terminé,
vous l’offrirez [48] au roi, et Charles vous en donnera une belle somme, ainsi que tous ceux qui
voudront l’acquérir.
    — Certes, madame, il faut bien que l’art se
nourrisse de l’art.
    — Christine de Pisan est écrivain, ne
pourrait-elle pas nous proposer ses ouvrages, nous pourrions même lui en
commander ?
    — Voilà une bonne idée. Demandez, madame, elle
en tirera profit, et d’autres suivront. Cependant, s’il y eut des poétesses
comme Marie de France, on n’a jamais vu une femme vivre de sa plume.
    — Eh bien, monsieur de Mézières, elle
sera la première.
    Isabelle se fit offrir les derniers poèmes de
Christine de Pisan, et la récompensa largement, et Louis d’Orléans, qui
avait été charmé par la belle poétesse de la cour d’amour, fit de même. Ce goût
commun pour la poésie rapprocha quelque peu la reine et son beau-frère.
    *
    En juin 1392, les sbires du sire de Craon,
qui était revenu secrètement à Paris, se tenaient en son hôtel près du
cimetière Saint-Jean. Le complot avait pris une envergure clandestine, les
trois ducs, Bourgogne, Berry et Bretagne, étaient de la partie, liés par leur
haine commune. Le sire de Sablé ne pouvait espérer mieux pour sa vengeance.
Tous ces augustes seigneurs n’avaient qu’une cible : la mort du connétable
Olivier de Clisson. Ce dernier avait trop d’emprise sur le roi, et même
sur Orléans, il fallait l’abattre.
    Quarante spadassins, lourdement armés, se tenaient
prêts depuis un mois. Le 14 juin, jour de la fête du Saint-Sacrement, il y
avait des joutes, un grand souper et un bal à la résidence royale. Clisson en
serait. C’était pour cette nuit.
    Tard dans la soirée, alors que la reine était à
son coucher, elle entendit une agitation peu commune pour cette heure en l’Hôtel
solennel. On criait : « Aux torches ! aux torches ! »,
et des gens couraient. Puis le tocsin se mit à sonner. Toute la Cour se jeta
dehors, et l’on vit alors arriver, sur une civière, le connétable ensanglanté, le
roi qui lui tenait la main, en simple manteau de chambre, et hurlait sa douleur.
Isabelle pensa que le sire de Clisson était trépassé de mort violente, à
voir tout ce sang. Elle se

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