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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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déparles, mon frère !
    — Je m’enivre pour y voir clair dans tout ce
noir ! Je ne suis environné que de vilenies et de traîtres ! Toi
aussi, mon frère aimé ! Tous ligués contre moi ! TOUS !
    Charles VI, dans son ivresse furieuse, brisa
le dossier de son siège. Orléans, effaré de le voir dans cet état, recula jusqu’à
la porte de peur que Charles ne se jetât sur lui.
    — Hors de ma vue ! Je suis le roi de
France ! Tous, hors de ma vue !
    La cassure entre les deux frères était béante.
    Louis s’enfuit, Charles resta trois jours à boire,
sans voir personne hormis ses serviteurs. À l’hôtel de la Pute-y-Muse, le duc d’Orléans
restait prostré. Jamais son frère ne lui avait dit de telles choses.
    — Noble prince, vous avez la tête trop près
du bonnet, lui dit Pierre de Luna qui revenait d’Avignon. Vous y allez de
front, alors que le roi ne décolère pas, et que, de plus, il est pris de
boisson.
    — Il boit sans cesse, tous ces jours. Il
fallait pourtant bien que je lui parle.
    — Lui parler, certes, mais pas l’attaquer. (Son
visage ingénu s’éclaira d’un sourire.) Attendons de quel côté tournera la
girouette du roi. Et laissez-moi faire.
    Le discret Pierre de Luna revenait toujours
de la cité des Papes cousu de l’or de Clément VII, et le cardinal aragonais
ne ménageait pas ses pots-de-vin pour lui acquérir des partisans. Beaucoup d’hésitants
crièrent bientôt que Rome valait mieux que Nantes, Rennes ou Vannes mises
ensemble. Mais le roi restait sourd, il ferait sa campagne de Bretagne.
    — Le roi veut Craon, il ne renoncera pas, dit
le légat à Orléans. Embrouillons les pistes, et apportons-lui la garantie que
ce félon n’est point en Bretagne.
    Louis alla trouver ses oncles. Et, en juillet, le
duc de Bourgogne porta à son royal neveu une lettre de Yolande du Bar,
reine d’Aragon, qui prétendait tenir le sire de Sablé dans les geôles de
sa cité de Barcelone. Les Marmousets réfutèrent avec force la missive, affirmant
que c’était un faux. Charles crut ces derniers : « Bel oncle, je ne
veux point vous courroucer, mais je ne crois pas ce traître de Pierre de Craon
à Barcelone, mais coi auprès du duc de Bretagne. » La manœuvre avait
échoué.
    Charles VI restait buté dans une colère qui
le minait de l’intérieur, l’épuisait. Par moments, il était égaré, parlait tout
seul, voyait des traîtres partout.
    — Notre bon sire n’entend plus la voix de la
raison, dit Pierre de Luna alors que Louis se désespérait. Faisons parler
le Ciel.
    — La reine est avisée en ce domaine. Mais
nous sommes fâchés.
    — Il serait temps de vous réconcilier, susurra
le cardinal.
    Louis demanda audience à Isabelle, qui la lui
accorda. Il lui parla avec solennité :
    — Madame, lui dit-il, il est temps de s’accorder
contre cette expédition qui n’est bonne pour personne. Ne sauriez-vous pas
détourner votre époux de ce projet funeste ?
    — Il n’y a que la divine Providence qui
saurait l’empêcher, lui répondit-elle. Charles n’est pas en état de guerroyer, et
je m’en tourmente.
    — Certes, il faudrait un signe du Ciel pour l’en
détourner, suggéra Louis.
    Elle resta pensive un moment.
    — Il est des grands bois au sortir du Mans, n’y
sont-ils pas le refuge des ermites dont on fait grand cas de la parole ? Ne
dit-on pas qu’elle est celle de Dieu ?
    — Si fait, confirma Louis, qui ne voyait pas
où elle voulait en venir.
    — Trouvons cet ermite, dit-elle sibylline.
    — Je n’en connais pas en ces lieux.
    — Trouvons-le en d’autres, dit Isabelle en
lui accordant un grand sourire.
    Le duc d’Orléans lui rendit son sourire. Il avait
compris. Ils mirent Louis le Barbu dans la confidence, et ourdirent
ensemble le complot. Le prince voulut tout aussitôt en informer son directeur
de conscience, mais Pierre de Luna l’arrêta net.
    — Ce sont les affaires de France, lui dit-il
d’une voix douce. Il ne serait pas convenable que je connaisse certains secrets.
Et d’ailleurs, moins vous en serez, plus sûr cela sera.
    Et il décida de s’en retourner en Avignon pour y
attendre la suite des événements.
    *
    Cette nuit-là, la reine s’endormit avec confiance, Perldemay
lovée dans son giron.
    Dans son profond sommeil, elle avait chaud, si
chaud. Elle étouffait. Des images violentes se heurtaient dans la fournaise, des
armures tournoyaient et lançaient les feux de leur rutilance

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