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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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sous un soleil à
son zénith, un soleil de plomb. Il y avait des cris, du sang, le roi frappait
de son épée de taille et d’estoc, écumant de fureur, une giclée de sang giflait
sa figure, et du sang, encore du sang. Charles s’affaissait sur l’encolure de
son destrier.
    — Il est des morts pires que la mort, murmurait
Zizka.
    — Tu me l’as déjà dit, mauvais oracle. Veux-tu
dire que le roi va mourir de la pire des morts ?
    — Non, Basileia, vivre de la pire des vies.
    D’où venaient soudain ces hurlements d’agonie ?
     
    Elle se redressa brusquement dans son lit, ruisselante
de sueur. Perldemay, dressée sur la courtepointe, hurlait à la mort. Voyant sa
maîtresse éveillée, elle sauta sur sa poitrine et se mit à lui lécher le visage
avec frénésie. Isabelle l’entoura de ses bras et berça leur mutuelle agitation.
    Elle chantonna doucement un dicton dans le creux
de l’oreille pointue de son lévrier nain.
    — À rêve prémonitoire, il faut y croire. À
rêver du pire, il faut en rire.
    Chatouillée par le souffle de sa maîtresse, Perldemay
s’ébroua, échappa à son enlacement, et se mit à tourner sur elle-même avec des
jappements joyeux.
    Isabelle esquissa un sourire en la regardant faire
la toupie.
    — D’accord, lui dit-elle, au diable Zizka, il
faut en rire.
    Mais elle ne riait pas. « Vivre la pire des
vies ? » s’interrogea-t-elle avec désarroi.
    Seul le silence lui répondit.

II
LA COULEUVRE MILANAISE

11
Le 5 août 1392
    Durant tout l’été 1392, les plus grands fleuves de France,
s’étant retrouvés à sec, ne purent servir au transport des marchandises. Les
marchands ont éprouvé des pertes considérables. On souffrit beaucoup de cette
sécheresse dans tout le royaume. Dans certains lieux, cette disette d’eau fit
de grands ravages parmi les troupeaux, qui mouraient de soif sur les bords des
fontaines taries et des ruisseaux asséchés.
    Chronique du religieux de Saint-Denys
    À la mi-juillet, alors que le roi, plus obstiné que
jamais, rejoignait son armée qui s’assemblait au Mans, la reine prenait ses
quartiers d’été au château de Saint-Ouen, qu’Isabelle appelait sa Bergerie. C’était
une grosse ferme fortifiée, flanquée de tours et de tourelles, mangée de lierre
et de vigne vierge, qui dominait de sa motte plusieurs milliers d’acres de
forêts, pâtures, terres potagères et métairies. Malgré sa taille, la Bergerie
ne pouvait contenir la suite germanique. Si certains chevaliers bavarois
avaient suivi le roi dans sa campagne de Bretagne, d’autres étaient restés afin
de renforcer la garnison de la reine et de sa cour. Aussi, des logis de tentes
et pavillons avaient été dressés à l’ombre des grands arbres. Les jardins
avaient pris des allures de bivouacs militaires, arborant fanions et oriflammes.
Le chapiteau le plus fastueux était celui de Louis le Barbu. Il était
divisé par de riches tentures armoriées et des tapisseries précieuses. Il se
composait d’une grand-salle d’apparat et de festoiements, d’un oratoire avec
autel, d’un retrait d’aisance, d’une salle d’étuves et de la chambre. Rien ne manquait
dans ce logis tendu de soie au bandé de Bavière, ni meubles et coffres, ni
dressoirs avec vaisselle d’or, ni épais tapis qui recouvraient les lattes de
bois posées à même le sol. On y festoyait, dansait, jouait, conférait.
    Isabelle retrouvait avec une joie immense les
plaisirs de la pastoure. Juchée sur sa fougueuse Alezane, elle fit dès les
premiers jours le tour de ses terres avec son frère et son intendant. Au
village de Saint-Ouen, les fermiers et bergers la saluèrent avec enthousiasme, le
domaine était prospère : les agneaux de l’année étaient nombreux, les
granges regorgeaient de bons foins, les blés et les avoines étaient en gerbes.
    Juillet annonçait un été sec et chaud après les
pluies de printemps. Louis le Barbu convoqua des sourciers avec leur bâton
de coudrier, et des puisatiers pour pallier une éventuelle sécheresse qui avait
déjà mis à mal l’apanage de sa sœur. Ils tombèrent d’accord sur cinq sites
dispersés sur le domaine. Il fallait creuser vite, car le ciel d’un bleu
obstiné restait vierge de tout espoir de nuages.
    À la Bergerie, le passe-temps préféré de la cour
de la reine était la chasse. Aux fastes de la vénerie à courre, avec veneurs, meute
et concert de cors, Isabelle préférait la grâce de la volerie. Elle s’y
adonnait

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