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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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oublier que
c’était dans les bras de Bureau de la Rivière que son père, leur
frère Charles V, avait expiré ? Ils faisaient à nouveau la loi à son
insu.
    Il contempla le cerf de saint Hubert, il songeait
à celui qui lui était apparu jadis en forêt de Senlis, portant au cou la
médaille de César. Sa vie avait été semée de prodiges, aujourd’hui, Dieu l’avait
abandonné.
    — Et que dit le pape Clément, en Avignon ?
demanda-t-il soudain.
    — Que Dieu est courroucé contre le roi de
France qui avait juré sur sa foi de détruire l’antipape de Rome, répondit Etzel
d’Ortembourg du bout des lèvres.
    — Et Boniface, à Rome ?
    — Que Dieu avait brisé la raison du roi pour
avoir soutenu l’antipape d’Avignon.
    — Ainsi, Dieu me punit de quelque côté que je
me tourne, répondit Charles d’une voix sourde.
    Il sentit comme une vague de fièvre lui
embrouiller le cerveau et la vue, et des picotements dans tout le corps. Son
esprit s’égarait, il en connaissait les symptômes, les prémices. Il passa une
main lasse sur son visage. Au plus profond du brouillard qui s’épaississait
autour de lui, une voix insistante disait : « Tu es Georges, tes
armes sont un lion transpercé d’un glaive. » Charles se sentait sombrer. Allait-il
rechuter ? Mon Dieu, pourquoi m’avez-Vous abandonné ?
    Ozanne échangea un regard inquiet avec Guillaume de Harcigny,
il ne fallait pas de contrariétés au roi, et ces révélations avaient été rudes.
Le dos de ce dernier s’affaissait, vacillait, comme sous le poids d’une immense
douleur. Isabelle se leva et s’approcha doucement de son époux.
    — Venez vous asseoir, mon doux sire ! dit-elle
en tendant les mains.
    Charles eut alors une réaction d’une violence
inouïe.
    — Qui me parle ? hurla-t-il alors qu’elle
le touchait.
    Il se retourna, les yeux fous et emplis d’une
haine meurtrière. La reine recula avec un cri de terreur, repris en écho par
les assistants. Chacun crut que Charles allait frapper Isabelle. Son frère
Louis de Bavière était déjà debout, prêt à la défendre. Mais Valentine fut
plus prompte, elle s’élança et se jeta au cou du souverain.
    — Mon cher frère, mon tendre seigneur, restez
quiet. Vous êtes le roi de France.
    Le brouillard se dissipait. Le regard de Charles s’adoucit
lorsqu’il baissa les yeux sur le visage tendu de Valentine.
    — Ah ! c’est vous, ma chère sœur. C’est
vrai, je suis le roi de France.
    Il lui caressa la joue d’un revers de la main, empreint
d’une grande douceur.
    Isabelle reculait pas à pas en considérant le
couple enlacé, le visage ravagé de peur et d’humiliation. Catherine la
recueillit dans ses bras, elle se tourna vers elle et enfouit son visage dans
son épaule.
    — Vois l’outrage, ma bonne amie.
    — Isabelle, chuchota sa chambellane, fais
bonne figure, tu es la reine.
    Elle se reprit, se redressa et se contraignit à
sourire en regagnant sa place sous le dais royal. Elle s’y tint en majesté, contrôlant
sa fureur : Valentine n’était plus sa rivale, elle était son ennemie, c’était
la guerre. En intervenant, elle était responsable de son humiliation publique.
    *
    Le malaise avait été si bref, que chacun n’y vit qu’un
mouvement d’humeur, sauf Isabelle. La violence et le regard terrible de son
époux lui avaient rappelé le retour de Charles du Languedoc, et comment il l’avait
repoussée méchamment sans la reconnaître. La reine avait peur, ainsi, à chaque
instant, à la moindre contrariété, Charles risquait de rechuter, la laissant
désarmée face à ses ennemis.
    Le roi lui-même ne fit aucune allusion à sa
faiblesse passagère, et c’est en roi qu’il fit partir le soir même des
courriers à Paris, ordonnant de suspendre toutes les décisions, interdisant les
exécutions capitales, et commandant à ses oncles de préparer son retour à Paris
avec tous les honneurs qui lui étaient dus.
    Le retour se fit dans la liesse populaire. Des
éclaireurs dégageaient les chemins à grands coups de trompe et de voix :
« Place, place à notre roi Charles le Bien-Aimé, et notre reine vénérée. Place
à nos souverains ! » La nouvelle mit les cloches en branle, jeta les
gens hors de leurs logis, de leurs échoppes, les tira de leurs champs. Ils
avaient cru le roi mort, et ils voyaient passer Charles VI qui caracolait
sur son cheval blanc en tête de cortège, escorté de ses chevaliers. La reine
suivait dans

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