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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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leur affolement, n’avaient plus de raison. Hallucinée,
Catherine voyait des poings marteler les visages des sirènes au sourire
enjôleur, elles semblaient narguer tous ces humains qu’elles avaient pris dans
leurs nasses. Elle se tourna et vit avec désespoir Etzel, portant Isabelle, écrasé
contre le chambranle du portail pourtant ouvert, mais dont il ne pouvait passer
le seuil. Soudain, le pan des sirènes céda et s’aplatit à grand bruit sur le
dallage du corridor, nombreux furent ceux qui chutèrent avec lui et se firent
piétiner par la débandade, arrachant et cabossant les coiffures à cornes et à
grandes oreilles. Catherine se sentit aspirée à l’extérieur avec soulagement. Dehors,
elle comprit que les valets avaient brisé les gonds de la porte close à coups
de hache. Ils s’affairaient à présent à en dégager le passage, repoussant, tirant,
relevant les courtisans à terre. Elle vit qu’Etzel n’avait toujours pas réussi
à se dégager, il protégeait Isabelle, inconsciente, comme il pouvait dans la bousculade
qui l’empêchait d’avancer. Catherine hurla à nouveau : « Sauvez la
reine ! » Certains laquais virent le danger et se portèrent au
secours de leur souveraine, n’hésitant pas à faire le coup de poing, sans
discernement de sexe.
    Enfin Etzel d’Ortembourg fut extrait du piège, il n’avait
pas lâché son précieux fardeau.

15
Les temps de la contrition
    Des quatre qui ardaient, il y en eut là deux morts éteints
sur la place. Les deux autres, Yvain de Foix, bâtard de Gaston Phébus, et
le comte de Joigny, furent portés à leurs hôtels et moururent dedans deux
jours à grand martyre. Ainsi se dérompit cette fête de noces en tristesse, quoique
l’époux et l’épouse ne le pussent amender. Car on doit supposer et croire que
ce ne fut point leur coulpe, mais celle du duc d’Orléans, qui ne pensait pas à
mal quand il bouta la torche. Jeunesse lui fit faire. Quand il vit que la chose
allait mal, il dit : « Entendez-moi, tous ceux qui peuvent m’ouïr. Nul
ne soit inculpé de cette aventure, car c’est moi qui en suis cause. Mais me
pèse ce qu’il advint, je ne pensais jamais la chose ainsi tourner ; car si
je l’eusse pensé et su, jamais je n’y aurais pourvu. »
    Les Chroniques de Froissart
    Le long cuvier de cuivre, garni à l’intérieur de
molleton qui l’adoucissait et le réchauffait, était surmonté de tentures de
brocart posées sur des arceaux d’osier, formant une alcôve qui protégeait les
baigneurs des courants d’air. Le lieu préféré de la reine était la chambre des
étuves, elle s’adonnait longuement à ses ablutions, par plaisir mais aussi par
souci de sa santé, car s’immerger et oindre son corps nourrissaient la chair et
purifiaient l’âme [64] .
Après les émotions terribles de la nuit dernière, sa tension se relâchait, elle
s’abandonnait à la douceur de l’eau, elle souriait.
    Elle souriait à Jeanne de Boulogne, la
duchesse de Berry, assise en vis-à-vis comme elle, sur un petit tabouret
de fer, tous deux étaient garnis de molleton. Elle l’avait conviée à se baigner
avec elle, car cela était coutume pour honorer une personne, et Isabelle avait
toutes les raisons de hautement honorer la jeune duchesse.
    — Il semblerait, belle dame, que Dieu vous a
créée tout exprès pour sauver la vie de vos semblables, dit-elle.
    — Je ne sais, madame la reine, mais c’est moi
qui suis flattée d’avoir eu l’honneur de sauver le roi, répondit-elle en
pressant une éponge végétale entre ses seins menus.
    Une mousse blanche et crémeuse se forma, répandant
des fragrances de violette, la senteur de la reine. La cuve, échancrée sur le
côté, permettait d’atteindre une tablette garnie de dragées, pignolats, cotignacs [65] ,
oublies [66] et autres sucreries, et des hanaps de moretum, ce vin de mûres miellé chanté
par les poètes, dont raffolait Isabelle. Elle en but une gorgée qui lui rougit
les lèvres, elle avait la tête qui tournait un peu, la laissant dans un
sentiment d’irréalité. Car la tragédie de la nuit restait inimaginable et par
trop atroce, mais était aussi miraculeuse. Elle avait peu dormi et encore moins
mangé depuis son retour, de nuit, à l’Hôtel solennel, comme tous les convives, qui
avaient fui le château maudit de la Reine Blanche pour se terrer dans leurs
demeures, écrasés par l’horreur de l’événement.
    Il était none passée, au mitan de

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