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Duel de dames

Duel de dames

Titel: Duel de dames Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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gardant sien, ni ne me laissant libre,
    Ne me veut pas vivant, sans me laisser mourir.
    Je vois et n’ai point d’yeux et, sans langue, je
crie
    Et je désire mourir et j’appelle au secours.
    Pour moi je n’ai que haine et pour autrui qu’amour,
    Je goûte ma douleur et en larmes, je ris.
    Pétrarque
    Des bourdonnements d’oraisons résonnaient sous les
voûtes de l’austère église Saint-Paul, en provenance des fonts baptismaux. La
voix du prêtre se singularisa des répons de l’assemblée en lançant :
    — Marie, je te baptise au nom du Père, du
Fils et du Saint-Esprit !
    — Amen ! répondirent les marmonnements.
    — Amen ! murmura à son tour Isabelle, agenouillée
dans l’ombre de la chapelle latérale dite de Saint-Louis.
    — Amen, dit Jean la Grâce à son côté, vêtu
pour la circonstance d’une dalmatique immaculée.
    La reine ne pouvait les voir, mais elle imaginait
sans peine le prélat entouré de ses officiants, les trois parrains, les trois
marraines et les autres nobles personnes qui se recueillaient près des fonts
baptismaux d’un caractère singulier. De forme ovale, taillés dans un bloc de
pierre commun, sans ornements autres que des rayures cylindriques, ils dataient,
lui avait-on appris, de la chapelle primitive érigée par le roi Dagobert.
    Elle était habillée d’une simple gonelle dont elle
avait rabattu le capuchon bas sur son visage, sans artifices, ni joyaux. La
gonelle était une cape à chevaucher, guère appropriée pour suivre la cérémonie
d’un baptême. Ainsi vêtue, la reine était méconnaissable. Il n’était pas d’usage
que les mères assistassent au baptême de leurs enfants qui se faisait durant le
mois de leurs relevailles. Sa fille avait été ondoyée dès sa naissance. Mais la
reine avait fait repousser le baptême solennel, car elle attendait le roi, en
vain. Son entourage le disait toujours à Abbeville avec les Anglais. Depuis sa
délivrance, son époux ne s’était aucunement manifesté. Charles était-il si
fâché de la venue d’une nouvelle princesse au lieu d’un petit prince ? Cette
attente lui avait été insupportable. Oisive et confinée dans ses appartements
de l’hôtel de la Pissotte, dans une atmosphère oppressante, elle avait maudit
ce mois de l’accouchée qui la tenait prisonnière.
    Dans l’église Saint-Paul, le nouveau-né se mit à
hurler soudain, son cœur de mère se serra, cette enfant venait sous de bien
tristes auspices. Le bébé protestait sans doute de l’eau glacée sur son front
qui la bénissait, et du sel sur ses lèvres qui éloignait les démons.
    Catherine de Fastavavin était sortie de l’isolement
de sa retraite pour le terme d’Isabelle. Elle s’était inquiétée de sa mauvaise
toux et triste mine. L’époux de sa chambellane, Etzel d’Ortembourg, l’avait
attendue pour l’emmener en son castel de Bavière, il disait la France maudite
depuis le Bal des Ardents. Catherine refusa, c’était elle qui était maudite, et
elle ne voulait point quitter sa souveraine. Las de supplier, Etzel avait fini
par quitter la Cour, seul. C’en était fini de leur mariage.
    Ozanne de Louvain avait aussi apporté son
assistance lors des couches d’Isabelle. Elle ne l’avait guère quittée les jours
qui avaient précédé la délivrance. Isabelle était grosse à pleine ceinture et
souffrait beaucoup de ses jambes, qui étaient si gonflées qu’elle ne tenait pas
debout. Ozanne les avait massées de ses huiles, lui apportant soulagement, et
avait enduit chaque jour son ventre distendu d’un emplâtre pour éviter les
rides de la peau après l’accouchement. L’odeur en était désagréable, il était
fait, lui avait dit Ozanne, de térébenthine de Venise, de lait d’asperges et de
fromage de vache aigri.
    Mais, après l’enfantement, sa fidèle dame d’honneur
avait de fréquentes absences, qu’elle expliquait fort maladroitement. Enfin, Valentine
Visconti lui avait rendu visite avec de prestigieux cadeaux. Il s’était opéré
un subtil changement chez la duchesse d’Orléans, et sa conversation était tout
en rondeur. Toutefois, elle lui avait dit en s’apitoyant : « Ce que c’est,
tout de même, que cette semence femelle. » Une perfidie qu’elle n’avait su
retenir. Isabelle ne la revit plus, on disait la duchesse accaparée ailleurs, réconciliée
avec son époux. La reine en avait ressenti un pincement de jalousie.
    Et pendant tout le temps de ses relevailles,

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