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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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voulu.
    Arégonde leva la tête et croisa le regard horrifié
d’Ozanne. La grosse femme recouvrit avec des gestes de mère le corps torturé de
Catherine qui sanglotait à petits coups. Puis elle se leva.
    — De l’eau pour me laver les mains, ordonna-t-elle
en s’éloignant vers le feu.
    Une chambrière l’y rejoignit en portant l’aiguière
dans un bassin. La cuisinière tendit ses mains ensanglantées sur lesquelles la
femme versa l’eau. Ozanne s’approcha d’elle, toujours aussi blême.
    — C’est là pratique d’avortement.
    — La mort dans le ventre d’une femme empoisonne
le sang. Il faut faire vite à l’en faire sortir.
    — Quel est cet engin diabolique qui écartèle ?
    — Il est de mon invention, et de la
fabrication de mon époux menuisier. Dans ce genre d’opération, à travailler
seulement au doigt et non à l’œil, on risque de perforer la poche de la
génération, et de tuer la mère.
    Elle s’essuyait les mains dans le linge posé sur
le bras de la chambrière. Puis, voyant l’extrême pâleur de la demoiselle de Louvain,
elle ajouta :
    — Souviens-toi, petite, pour délivrer une
femme d’un enfant mort, on pratique de même que pour un enfant vivant. Et Dieu
avait déjà choisi de le reprendre, je n’ai fait qu’aider à Sa volonté.
    Ozanne comprit que la grosse maîtresse cuisinière
n’avait pas seulement assisté des femmes en couches, mais qu’elle en avait
aussi beaucoup délivré de leur fardeau.
     
    Isabelle avait cessé de prier et se cramponnait à
nouveau à la colonne du lit où son amie d’enfance pleurait à présent doucement.
Elle avait assisté à tout. Elle était terrifiée. Elle venait d’apprendre tout à
la fois que le chevalier de Courtemay était mort, que sa chambellane était
grosse de ses œuvres, et que, maintenant, elle perdait l’enfant.
    « L’amour est beau, je te le jure. Il est
doux, il caresse. Il est tendre et respectueux », lui disait Catherine.
    Souffrance, sueur, sang, sanie. C’était ça aussi l’amour.
    Il lui apparaissait que tout se passait entre les
cuisses d’une femme : l’amour, la vie, la mort, et l’indicible martyre du
corps et de l’âme. Elle sentit soudain la présence de Zizka.
    — Le ventre de la femme apparaît comme une
spirale, symbole de l’univers, disait-il. L’amour, la vie, la mort, et la
douleur christique.
    — Zizka, Catherine va-t-elle mourir ?
    — Non, Basileia.
    — Je ne veux pas connaître cette souffrance. Zizka,
aide-moi. Je ne veux pas être femme.
    — Tu le seras quand tu accepteras l’amour. Alors,
tout te sera plus facile. Déjà, ton ventre l’appelle.
    — Non !
    — Il est la loi omnisciente. Écoute ton
ventre, Basileia. Souviens-toi, l’homme et la femme sont en Dieu trois fois :
lorsqu’ils naissent, lorsqu’ils s’unissent dans l’amour, lorsqu’ils meurent.
    — Non !
    Isabelle était sortie de la chambre en titubant. Elle
s’engagea dans un corridor, une ombre se détacha de l’embrasure d’une fenêtre :
Bois-Bourdon. Ils se regardèrent. La voix de Zizka bourdonnait toujours à son
oreille : « Écoute l’appel de ton ventre, Basileia. Le roi revient
vers toi, son retour te sera plus facile si tu es dans l’amour. »
    Elle secoua la tête en signe de refus désespéré.
    — Comment va-t-elle ? demanda doucement
le chevalier.
    — Elle n’aura pas l’enfant d’Adémard. Et elle
souffre ! Dieu, comme elle souffre.
    Le sire de Graville ne fit pas un geste. Il
la regarda passer devant lui, l’enveloppant seulement de son regard chaud. Elle
savait que l’amour était là, l’amour rédempteur, consolateur… Isabelle eut
alors et encore l’envie de ses bras, un désir tellement impérieux que, l’ayant
dépassé, elle se retourna, puis se jeta contre lui.
    — Aide-moi, gentil Bourdon, aide-moi par
pitié.
    — Que veux-tu que je fasse ?
    — Fais-moi l’amour. Oh oui, fais-moi l’amour
pour que je n’en sois plus effrayée ! Apprends-moi ! Ce soir, je t’attendrai.
Je t’aime.
    La reine s’arracha à lui et disparut en courant.
    Bois-Bourdon resta pétrifié. Il avait peur.
    *
    Isabelle se laissait prendre par les sortilèges de
la nuit qui l’apaisaient peu à peu. Les nouvelles de Catherine étaient bonnes, elle
reposait dans l’immense lit de la duchesse de Bourgogne, délivrée de l’enfant
mort, et une décoction d’Ozanne lui assurait l’oubli et le sommeil.
    La reine attendait. Elle

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