Eclose entre les lys
et, l’emprisonnant sous son poids, il la
prit d’un seul coup, glissant en elle comme une caresse. Elle se raidit avec
une plainte brève qu’il étouffa de ses lèvres.
Elle sentait l’homme au fond de son ventre, immobile,
s’étonnant de n’en ressentir nulle souffrance. Il la tenait sous lui, fermement
pénétrée, et attendait que le corps d’Isabelle s’amollisse entre ses bras et se
donne. Et puis doucement, il lui apprit le mouvement éternel de l’amour, de la
vie.
Enfin, elle se laissa posséder, noua ses jambes
autour de ses hanches, ardente, offerte, enfin révélée.
Alors que l’homme se faisait plus puissant, elle
comprit les paroles de Zizka : « L’homme et la femme qui s’unissent
dans l’amour sont en Dieu. »
*
Dès le lendemain, Isabelle se résolut enfin à
écrire au roi :
Château de
Beauté-sur-Marne, la Saint-Florent,
Le vingt-deuxième
jour du mois de septembre de l’an 1385.
Moi, Isabelle
Wittelsbach Visconti, princesse de Bavière, reine de France, prend
respectueusement nouvelles de la santé de son très cher et très honoré et très
redouté seigneur, Charles de France le sixième, mon époux par la grâce de Dieu
et envoie nouvelles de sa bonne santé de corps. Pardonnez-moi, monseigneur, de
ne pas dire pareillement des nouvelles de mon âme. Les blessures de l’âme ne se
referment pas de même façon. Votre fidèle ami et capitaine de ma garde, messire
de Bois-Bourdon, m’a confortée chaudement et éclairée sur l’action
criminelle de cet homme que l’on nomme justement Charles le Mauvais, le
roi de Navarre. Il me paraît bien méchant homme celui qui forma le dessein de
dévoyer le plus grand et le plus courtois prince de la terre.
Le temps approche où
nous serons à nouveau ensemble. Je vous supplie, gentil sire, de m’accorder la
fin’amor comme épreuve purificatrice, requérant courtoisie, chasteté, mesure et
droiture, jusqu’à guérison de mon âme.
Je ne saurais douter,
seigneur roi mon époux, que vous saurez accorder à la reine ce qu’accorde le
noble chevalier à sa dame de cœur, comme vous ne sauriez douter alors de mon
humble pardon et de mon amour.
Votre très dévouée
épouse en Dieu, la reine de France, Isabelle de Bavière.
Deux semaines plus tard, son époux lui fit
parvenir cette réponse :
À la Saint-Clément, premier
jour de novembre 1385.
Que soient fêtés en
ce jour tous les saints martyrs.
Le roi à sa reine
bien-aimée.
Il ne m’a pas été
donné de bonheur plus grand que de recevoir missive de votre main et vous
pouvez accroire combien je l’ai baisée et mouillée de mes larmes. Madame, vous
m’avez rendu la vie. J’implore votre pardon et ferai à votre plaisir cour très
courtoise aussi longtemps qu’il sera nécessaire à guérir votre âme que j’ai si
vilainement blessée à mon corps défendant.
Je fais donc serment
de chevalier d’attendre, Madame, s’il le faut, toute la vie à votre vouloir.
Votre très
respectueux chevalier en courtoisie à sa dame de cœur Isabelle, Charles le
sixième.
Par le même courrier, il était annoncé à
Beauté-sur-Marne que des pourparlers de paix avec la Flandre étaient engagés, ce
qui laissait prévoir le prochain retour de Charles VI.
*
— N’ai-je pas bien joué, Zizka ?
— Il est des jeux qui sont des guerres.
— Jeu ou guerre, le chevalier se doit aux
règles de la chevalerie. Le roi s’est réduit à sa promesse courtoise.
— Prends garde, Basileia, la courtoisie est l’image
d’un idéal amoureux qui farde la réalité chamelle. C’est à cette réalité que l’homme
et la femme sont réduits.
— Laisse-moi, Zizka. Je ne suis réduite qu’à
mon amant.
À la lumière parcimonieuse de l’aube, Isabelle
contemple le sire de Graville dans son sommeil. Elle admire ses cheveux
fous aile de corbeau, la noblesse de son front, l’arête droite et franche de
son nez aux narines légèrement retroussées, sensuelles, et surtout ses lèvres, finement
ourlées, sa bouche volontaire qui sait si bien prendre la sienne, la faire
crier de plaisir lorsqu’elle la mord au creux de son intimité.
Elle se sent chaude à nouveau. Bois-Bourdon lui a
fait découvrir la volupté, et elle ne s’en lasse pas. Il est son amant, un
amant qu’elle veut exclusif et éternel. Il a pour elle une totale adoration, et
sait la soumettre à toutes ses volontés.
— Je suis à vous, gentil
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