Eclose entre les lys
guettait les bruits, le
moindre froissement qui lui annoncerait la présence de l’homme qu’elle désirait.
Elle attendait. Viendrait-il ? Elle avait demandé d’être cette nuit
totalement seule en son logis. Elle avait chassé tout son monde et Ozanne
veillait Catherine. Les gens de la maison de la reine étaient habitués à ses
sautes d’humeur, ils ne s’étaient point étonnés de ce nouveau caprice.
Elle attendait. Comment pouvait-elle aimer autant
le sire de Graville après l’avoir tellement méprisé, même haï ? Mais
l’avait-elle haï ?… La présence du chevalier l’avait toujours troublée, même
alors qu’elle ne voyait que le roi. Le roi était si beau, si clair. Il lui
était apparu comme une lumière, alors que Bourdon était l’ombre. Comment la
lumière était-elle devenue cauchemar, et l’ombre, rassurante, comme à présent, dans
l’obscurité de sa chambre ?
Isabelle rêvait de poser ses mains sur son corps, de
caresser ce torse puissant qui l’avait souvent protégée. Bois-Bourdon était la
force tendre, et à la fois le désir impérieux, comme lorsqu’il lui avait pris
la bouche après avoir étranglé sur elle le Tête-Noire. Le souvenir de ce baiser
lui était un plaisir indicible. Chaque fois qu’elle y pensait, une sorte de
pulsion taraudait ses entrailles, et son ventre se mouillait. L’amour n’était
pas raison, il était chair. Il était une puissance qu’aucune réflexion ne
pouvait contrôler. Il était l’appel du ventre, il était l’appel de Dieu, Zizka
disait vrai.
Dans son attente du mâle, Isabelle se sentait en
harmonie avec l’univers, il lui apparaissait qu’elle en était le centre. Son
sexe, qu’elle sentait sourdre doucement au rythme de son sang, était devenu ce
centre. Bien plus, il générait le monde. Il était la vie. Cette vie qui avait engendré
la mort pour Catherine. Ce sang qui engendrait la douleur. Et pourtant, elle
voulait Bois-Bourdon, à en crier d’impatience.
Se pouvait-il qu’elle soit en Dieu alors qu’elle
attendait, déjà soumise à l’adultère que proscrivait si fort l’Église ? Mais
elle avait été violée, un viol légitime, qu’aucune loi, ni divine ni humaine, ne
semblait condamner. Alors, de loi, elle n’en voulait plus. Isabelle appelait à
présent la jouissance, comme une revanche. Elle attendait Bois-Bourdon, et
ferait de son plaisir sa seule loi, car elle aimait.
Et tout à coup, elle le vit, silhouette haute et
puissante qui se détachait dans la pénombre, dressée, derrière les courtines. Il
était entré sans un bruit et il se tenait là, dans le silence de la nuit. Elle
resta immobile, mais son cœur se mit à cogner si fort que ses battements
emplirent tout ce silence.
— Viens ! dit-elle seulement dans un
souffle.
L’homme écarta les courtines et s’approcha du lit.
Il portait une chemise lacée, à amples manches, largement ouverte sur la
poitrine. Elle était serrée à la taille par le haut-de-chausse qui moulait
fortement ses reins. Son visage était dans l’ombre, auréolé par les mèches
foisonnantes et souples de ses cheveux noirs. Elle le trouva beau et de noble
stature. Elle voulait son étreinte et lui tendit les bras. Mais Bourdon se
laissa tomber à genoux, et s’enfouit la tête dans les draps, grand corps abattu
par l’émotion et la crainte de l’amour.
— Ma reine, Isabelle, mon aimée, je ne puis, murmura-t-il
d’une voix étouffée. Chassez-moi, je ne pourrai vous toucher. Chassez-moi, par
miséricorde.
Et pourtant son désir était d’une violence qu’il n’avait
jamais connue. Mais aussi, il n’avait jamais aimé.
— Viens, supplia-t-elle encore. Ne m’abandonne
pas.
Elle se redressa vers lui et enfonça ses doigts
dans les cheveux du chevalier prostré ; sa propre chevelure se déploya
quand elle posa son front sur le sien, les enveloppant d’une nappe protectrice,
et ils restèrent ainsi. Ils tremblaient tous deux.
Doucement, il se releva et repoussa les mèches
follement longues qui mangeaient le visage d’Isabelle, puis effleura du bout
des doigts la peau veloutée de ses joues. Il la regardait avec une telle
intensité de tendresse qu’elle jeta ses bras autour de son cou en gémissant. Alors,
il la coucha sur l’oreiller, elle gémissait toujours, la tête renversée, la
bouche entrouverte et humide. Il y posa la sienne, et longuement, la fouilla de
sa langue.
Instinctivement, elle y mêla la sienne, elle sut
lui
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