Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
Vom Netzwerk:
plus belle
et la plus noble dame de ce royaume. (Et s’adressant à la reine :) À Dijon,
j’y ai retrouvé messire Pierre de Craon qui s’en revenait d’Italie.
    Pierre de Craon s’approcha d’Isabelle avec
aisance et s’agenouilla, tête inclinée.
    — Madame, je mets mon cœur à vos pieds, vous
êtes encore plus belle que votre renommée.
    — Relevez-vous, messire de Craon, répondit-elle,
distraite par l’accoutrement de ce beau seigneur.
    Le sire de Sablé était atourné ainsi que
Louis d’Orléans, mais les manches de son pourpoint cerise étaient plus amples
aux épaules et plus rembourrées encore. La jupe en était si courte qu’elle ne
dépassait pas les hanches sur le haut-de-chausse qui lui moulait les fesses à
outrance. Malgré elle, le regard d’Isabelle était attiré par un triangle d’étoffe
matelassé, dont la pointe lui partait d’entre les cuisses pour aller s’attacher
à la hauteur des aines par deux aiguillettes enrubannées. Ce triangle se
détachait en rouge sur son haut-de-chausses bleu, de façon fort impudique.
    Surprenant son regard, il sourit :
    — Cela se nomme brayette.
    La reine devint écarlate.
    — Est-on si peu sûr de sa vigueur à Venise, messire,
qu’on y souligne ainsi ses attributs ? intervint Bois-Bourdon avec une
ironie mordante.
    — Vous y viendrez aussi. La brayette est fort
commode pour la petite nécessité. Voyez plutôt.
    Il alla se poster dans la cheminée, leur tournant
le dos. En un tour de main, il dénoua les rubans, et urina dans le foyer. Les
bûches sifflèrent de colère sous le jet du pissat.
    C’était une habitude fort courante chez les hommes
de se soulager dans les âtres, Isabelle ne s’en formalisa pas. Elle était
plutôt préoccupée par le ton âpre de son amant : à n’en pas douter, Bois-Bourdon
n’aimait pas cet homme, son sourire était celui d’un loup qui retrousse
dangereusement les babines.
    — La chose semble commode, j’en conviens, reprit
celui-ci, surtout pour les Vénitiens qu’on dit fort prompts à tirer leur
braquet.
    Venise s’était forgé la solide réputation d’une
cité de fêtes et de plaisirs, où le vice battait le haut des pavés.
    — Nous avons été trop bons compagnons de
bordellerie pour que ma réputation ne soit plus à faire, Bourdon, répondit
Craon avec ironie.
    — Rassurez-vous, messire. Chacun ici n’a pas
oublié votre acharnement à sacrifier à Vénus, et la Divine République possède
la plus grosse troupe de putains d’Europe qui font grand tapage de luxe. (Et d’ajouter,
glacial :) Il est vrai que tu t’en es donné les moyens, Craon.
    Ce dernier pâlit dangereusement et posa sa main
sur le pommeau de son épée, sans quitter son adversaire du regard. Isabelle
sentit les deux hommes au bord de l’éclat. Mais fort opportunément, un cor
sonna.
    — Allons ! Que l’on passe aux ablutions,
l’eau est cornée, commanda-t-elle, heureuse de pouvoir faire diversion.
    Ils se lavèrent les mains à une fontaine remplie d’eau
tiède et parfumée, et passèrent à table. Craon dévisageait la reine avec un
sourire tranquille. Il avait un visage étrange, long et étroit, comme si sa
tête avait été prise malencontreusement entre marteau et enclume. Sa bouche
épaisse, sensuelle, occupait pratiquement la totalité de son étroit menton. Des
roulottés de cheveux blond cendré tombaient de chaque côté de cette figure en
lame de couteau et l’adoucissaient. Sans qu’il soit beau, il émanait de lui une
séduction arrogante, une sorte de magnétisme.
    Un valet apporta sur la table une nef fumante de
brouet subtil d’Angleterre, un bouillon de poule aux châtaignes, qui embaumait
de toutes ses épices : gingembre, cannelle, girofle, safran et cardamome. Humant
avec régal, Craon ne résista pas à y plonger sa cuiller, chacun mangeant à même
le plat.
    — Êtes-vous vénitien, messire ? demanda
Isabelle tout en goûtant le « subtil brouet » du bout des lèvres.
    — Baron breton, madame, et seigneur de Sablé,
pour vous servir, se présenta-t-il en reprenant du potage qu’il lampa en
gorgées gouleyantes.
    — Monsieur de Sablé est un illustre
cousin de monseigneur duc de Bretagne, commenta Bois-Bourdon, et il se dit sans
vergogne apparenté au roi de France. Il possède un pied dans chaque cour d’Europe
et sait remarquablement faire le grand écart comme un jongleur de foire.
    Le seigneur breton accueillit le sarcasme avec un
grand

Weitere Kostenlose Bücher