Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
Vom Netzwerk:
d’une armée de valets, se
présenta avec servilité et entreprit de lui expliquer qu’il n’y avait point de
château, mais une dizaine de demeures, sises aux marais de Saint-Paul.
    — Point de château, dites-vous, messire de
Grosparty ? demanda-t-elle incrédule. Ainsi ce palais royal en compte
plusieurs ?…
    — Cet ensemble s’appelle également « Hôtel
solennel des Grands Ébattements », ainsi désigné par notre feu roi Charles V
tant il avait de plaisir à s’y tenir.
    Isabelle s’était attendue à une sinistre et
pompeuse bâtisse, hérissée de tours, bardée de créneaux et de défenses. L’instant
de stupeur passé, elle fut sous le charme.
    Le premier grand chambellan s’inclina à nouveau, proposant
à madame la reine de la conduire à ses appartements dans l’un des hôtels, celui
de Sens, la résidence de Charles VI.
    — Que nenni, répondit-elle allègrement. Mon
royal époux désire que je m’installe en ma plaisance. Puisque nous avons le
choix, visitons, messire de Grosparty.
    Et entraînant tout son monde, elle laissa sur
place le chambellan en pleine confusion, qui se mit à la suivre en toute hâte, bafouillant
que seul l’Hôtel du roi avait été apprêté, et nul autre.
    Angésine de Grosparty était le plus ancien des
grands officiers de l’hôtel. Il avait connu le roi Charles V et la reine
Jeanne, vu grandir les enfants royaux, vécu bien des fêtes et des tragédies. Grand
et longiligne, il avait le haut du dos bossu à force de courbettes depuis plus
de quarante ans de fonction, et le cou à jamais rentré dans les épaules, comme
si le ciel devait à tout instant lui tomber sur la tête.
    Avec l’impétuosité de son âge, impatiente de se
dégourdir les jambes, Isabelle était partie à l’aventure explorer l’Hôtel
solennel des Grands Ébattements sans écouter les protestations de Grosparty. Elle
découvrait avec ravissement que la résidence royale de Paris était comme en
campagne. Les hôtels, entremêlés de cours, de préaux, de fontaines, de galeries,
d’espaces pastoraux et de pièces d’eau, constituaient un ensemble labyrinthique,
disparate et délicieux.
    Au détour d’une allée, elle tomba sur d’immenses
volières en fils d’archal, peintes en vert. Elles abritaient, lui dit Angésine,
des nichées d’oiseaux chanteurs dès les premiers beaux jours.
    — Où sont les oiseaux ? lui
demanda-t-elle aussitôt.
    — L’hiver, ils sont logés ici et là dans les
colombiers des cours basses, madame, répondit-il en agitant les mains comme des
papillons, le souffle court.
    Des oiseaux ! C’était bien pour ravir la
princesse de Bavière qui lui adressa un sourire éclatant. Grosparty en
resta coi, soudain envoûté par sa jeune souveraine qu’il trouvait adorable.
    Avec plus d’impétuosité s’il était possible, Isabelle
reprit sa course, essoufflant toute sa suite. Elle tomba dans une nouvelle cour
où se tenait encore une enfilade de cages aux solides barreaux.
    — Quel genre de volatiles y tient-on ici ?
demanda-t-elle, surprise.
    — Non pas des oiseaux, madame, des fauves, répondit
Grosparty.
    — Des fauves, dites-vous ? Où sont-ils
donc ?
    — Au château de Vincennes, madame. Des salles
chaudes en sous-sol leur sont réservées, pour l’hiver bien sûr. Mais il ne
reste de la ménagerie [24] que deux lionnes, un lion, un couple de léopards et les ours. Les lynx et les
guépards sont tous morts, hélas, madame.
    Angésine prit un air d’une telle contrition qu’on
aurait pu croire qu’il les avait tués lui-même.
    — Nous repeuplerons la ménagerie, répondit la
reine dont les yeux pétillaient d’excitation.
    — Himiltrude [25] s’y emploie déjà,
madame, ajouta-t-il en rougissant. Elle vient de donner trois beaux petits à
Charlemagne.
    Isabelle regarda le chambellan, ses grands yeux
écarquillés par l’incompréhension. Angésine en resta muet à nouveau, frappé par
la beauté de leurs fulgurances violettes. Bois-Bourdon vint à son secours et
éclaira Isabelle.
    — Charlemagne est un lion, et Himiltrude une lionne.
Elle a mis bas, à ce qu’il semble.
    Isabelle battit des mains à l’idée des lionceaux. Déjà
impatiente du jour où elle pourrait aller les voir, elle reprit sa course, infatigable.
Enfin, la vue d’une exquise demeure à colombages, flanquée de tourelles
dominées par la flèche d’une petite chapelle, l’immobilisa dans une
contemplation ravie.
    — Visitons cet

Weitere Kostenlose Bücher