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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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ordres des anges qui sont
en paradis, délégation divine chargée d’assister à la messe :
    — Oh vous, saints anges qui descendez des
sphères divines pour agir et servir sur terre au nom du Sauveur, priez-Le de
nous pardonner nos péchés et de nous envoyer Sa grâce !
    Puis il lance le kyrie  :
    —  Kyrie, eleison. Christe, eleison. Kyrie,
eleison !
    Seigneur, ayez pitié. Christ, ayez pitié. Seigneur,
ayez pitié !
    Neuf fois, le kyrie roule sur les têtes
penchées qui lancent leurs suppliques à Dieu. Elles se répercutent sous les
voûtes, renvoyées sur un peuple de statues trapues, aux draperies pesantes, qui
ornent le jubé. Prophètes et personnages de l’Ancien Testament surveillent d’un
air de stupeur grave la dévotion de la royale assemblée.
    Kyrie, eleison. Christe, eleison. Kyrie, eleison !
    Isabelle, emmitouflée, est d’apparence si fragile
auprès de la solide stature de Charles VI. Mais elle paraît soutenir son
rôle avec vaillance. Bois-Bourdon ne la quitte pas de ses yeux sombres. Il sait
qu’elle pense avoir obtenu sa victoire. Quand tournera-t-elle le dos à son
enfance bavaroise et à ses contes courtois où l’amour triomphe de tout ? songe
le sire de Graville. Il a peur pour elle ; il voudrait la prendre, l’enfouir
contre lui, l’emporter tel un loup dans sa tanière, loin des menaces de ce
monde.
    Kyrie, eleison. Christe, eleison. Kyrie, eleison !

21
Jour de Grand Conseil
    Une femme adultère accouche d’un fils alors que son
mari, marchand d’épices, est à Alexandrie. À son retour, il s’étonne. « Ce
n’est rien, lui dit-elle, c’est un enfant engendré par la neige. »
    Huit ans plus tard, l’époux emmène l’enfant en voyage
et le vend aux Sarrasins dans un marché d’esclaves. De retour, il déclare à sa
femme éplorée : « Ce n’est rien, l’enfant de la neige a fondu au
soleil. »
    Petit conte à l’usage de l’édification des femmes
    On jasait beaucoup à propos de l’épée à l’Hôtel
solennel des Grands Ébattements, qui se gorgeait, se rassasiait des rumeurs les
plus folles. Elles s’étaient emparées de la rue où l’on chantait :
     
    Las, le roi qui a
gros vit,
    Désire la reine au
plus vite.
    Las, l’hymen est
trop étroit,
    L’épée élargira la
voie.
     
    Les fêtes de l’hiver avaient mis Paris en
dévotions et en liesse. Le bon peuple s’était habillé de neuf et avait dansé
dans les églises le jour de la Nativité de Notre-Seigneur ; dansé encore
et encore, banqueté et jouté le jour de Saint-Étienne ; processionné et
soûlé à la Saint-Jean l’Évangéliste, aux Saints-Innocents ; paillardisé
dans la pire extravagance à la fête des Fous, au jour de la circoncision ;
tiré le roi aux banquets de l’Épiphanie ; et ainsi jusqu’à la célébration
octavale [31] du 14 janvier.
    Les calendes de janvier étaient passées avec leur
habituel cortège de fêtes liturgiques et païennes. Les prédicateurs avaient à
nouveau stigmatisé les déguisements immoraux, l’ivresse et l’impudicité, vitupérant
en vain contre la perdurance d’un paganisme qui rend impuissant, depuis l’aube
de la chrétienté, toutes les foudres et tous les anathèmes de l’Église.
    L’hiver est une saison rude, les jours sont courts,
le travail est ralenti, et les nuits sont longues. La plèbe s’échauffe de
distractions. Dans les campagnes, comme en ville, on égorge le cochon.
    Il paraissait pourtant que le roi avait montré l’exemple
de la plus grande humilité. Mais fallait-il en croire cette rumeur insensée qui
prétendait qu’il avait beaucoup prié, avait présidé les festins avec modestie, et
n’avait jamais participé aux tournois ?
    Il restait certain que le roi et la reine avaient
été très peu vus ensemble.
    Et qu’Esfoldre reposait toujours sur un coussin de
velours bleu dans l’oratoire de la reine.
    *
    Jamais le jeune souverain ne s’était senti aussi
seul, assis sur son trône légèrement surélevé, dominant en majesté la salle
Charlemagne à l’hôtel de Sens où se tenait le Grand Conseil. Et jamais Grand
Conseil ne lui avait paru plus fastidieux. Il s’y débattait finances, impôts,
emprunts. La guerre vidait le Trésor aussi sûrement qu’un été de grande
sécheresse vidait les puits. Et Charles se lassait de la guerre.
    Son oncle de Bourgogne avait raison, il fallait en
finir avec l’Angleterre et la terrasser sur son propre sol. La flotte
rassemblée au port

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