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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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petit ; et pour le sauver,
il était pressant qu’elle reçoive en son ventre la semence royale pour légitimer
son état. Isabelle s’y était déterminée sans plus tergiverser. L’épée de l’ asag était rendue, ce serait donc pour la nuit prochaine ; à cette perspective,
son corps se couvrit d’une sueur glacée.
    — N’aie crainte, lui assura Ozanne. J’ai le
secret d’une potion lénifiante qui apaisera tes frayeurs.
    Restait le problème de se déclarer grosse au plus
tôt. Il allait bien falloir en précipiter l’annonce officielle, mais trop de
hâte pouvait être suspecte. Isabelle se tourna vers Catherine.
    — Ne m’as-tu point parlé d’une chambrière en
mal d’enfant qui s’en fut boire l’eau miraculeuse d’une fontaine, ce qui la
rendit grosse ?
    — Certes, elle se trouve à Maubuisson. Mais
toi tu l’es déjà, pas besoin de miracle.
    — Un miracle… répéta Isabelle, songeuse. L’on
dit du roi qu’il y est fort sensible et qu’il en voit partout.
    Ozanne et Catherine, comme la reine, avaient
maintes fois entendu raconter les prodiges qui avaient semé la route du roi
depuis sa tendre enfance. À huit ans, il avait vu le légat du pape, que son
père recevait en grande pompe, converser avec le Diable, invisible aux yeux de
tous ; il avait fallu le faire sortir tant cela le fit crier. Quatre ans
plus tard, il eut la merveilleuse apparition, en forêt de Senlis, du cerf ailé
au collier de César dont il fit le tenant de son blason. Tout le monde se
souvenait aussi qu’au moment de lever l’oriflamme à la bataille de Roosebeke, une
colombe s’en était envolée et que le brouillard s’était miraculeusement dissipé.
Et n’était-il pas lui-même thaumaturge ? L’oint du Seigneur n’avait-il pas
le pouvoir de guérir les écrouelles ? En ces temps de grandes
superstitions, chacun accordait une valeur considérable à toute manifestation
surnaturelle. Charles VI plus que nul autre.
    « J’irai à cette fontaine, songea-t-elle, et
je saurai bien, pour lui apprendre au plus tôt qu’il sera père, lui faire un
petit miracle. »
     
    Cependant, ce n’était pas tout, et pour se garder,
elle avait encore beaucoup à apprendre. Bois-Bourdon avait raison. À l’évocation
de son amour, une douleur fulgurante la tortura. Elle le chassa résolument de
son esprit, et prit la décision de faire convoquer à quatre heures de sixte
Philippe de Mézières, qui demeurait au cloître des Célestins jouxtant l’Hôtel
solennel des Grands Ébattements.
    Isabelle s’attendait à voir apparaître un
vieillard disgracieux ; c’est un homme encore de belle allure qui se
présenta à la reine en son hôtel de la Pissotte. Philippe de Mézières était à
vrai dire un superbe patriarche à la crinière blanche, de barbe comme de cheveux.
Les ans avaient patiné, mais point altéré le dessin de son profil grec et la
saillie de ses mâchoires carrées. Le faisceau de rides qui bridait ses yeux
faisait rire perpétuellement son regard d’un bleu délavé.
    Il s’inclina respectueusement devant elle avec l’aisance
des gens de cour, et sans avoir été invité, il s’installa dans une cathèdre, face
à celle de la jeune souveraine.
    — Je vous remercie de votre diligence, monsieur
de Mézières, murmura-t-elle, décontenancée.
    — Cela compense le peu d’empressement que
vous avez eu à me connaître, répondit tout de go le célestin avec un sourire.
    — Pardonnez-moi. J’ai beaucoup de leçons à
recevoir, semble-t-il, répliqua-t-elle en se rembrunissant.
    — Chassez cette ombre de votre admirable
front, madame. Il paraît que vous avez de l’entêtement, ce peut être une
qualité ou un dangereux défaut.
    — Que savez-vous donc de moi ? demanda
Isabelle, agacée d’une si juste critique.
    — Que sait-on des hommes ? J’ai
rencontré tout le monde connu de mon temps, j’ai sillonné cette terre de
Gibraltar au royaume d’Arménie, de la Baltique à l’Éthiopie, j’ai étudié en
pays musulmans, vu toutes sortes d’États, l’Empire, les villes italiennes, l’Angleterre,
la cour des papes, Chypre. J’avais mission diplomatique, et j’ai pu juger les hommes
dans leurs œuvres. J’ai tout lu, tout vu, tout écrit, et au déclin d’une vie si
riche, je reste pauvre d’esprit [34] .
    — Vous voulez m’en faire accroire ? répondit
Isabelle en contenant un léger sourire.
    — Que nenni, que servent toutes nos sciences
alors que

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