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Eclose entre les lys

Eclose entre les lys

Titel: Eclose entre les lys Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Chantal Touzet
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donc point vous joindre à
ces dames ? lui demanda-t-il.
    — Que nenni ! fit-elle en s’éventant d’un
foulard, il fait trop chaud. À moins que ma présence et ma conversation ne vous
soient importunes, messire de Campremy ?
    Le capitaine eut un sourire éclatant.
    — Que vous en semble, belle dame ?
    Catherine rougit davantage. Elle avait perdu sa
mine chiffonnée, la chambellane renaissait à la vie depuis quelques mois, depuis
que le nouveau capitaine la regardait de si aimable manière.
    Des éclats de rire venant du champ, là où s’agitait
furieusement la haute avoine, les firent à leur tour éclater de rire. Isabelle,
en dépit de sa grossesse avancée, et sa jeune belle-sœur se roulaient dans les
grands chaumes qui frémissaient de leur multitude d’épillets, dissimulées douillettement
sous ce toit de dentelle à picots d’ambre sur fond d’azur.
    — Madame Belle, tu vas lui faire tourner le
sang, riait Catherine l’Églantine, des brindilles dans les cheveux échappés de
sa coiffe.
    — Il est de trop bon sang pour qu’il tourne, exulta
Isabelle, essoufflée, en s’étalant sur le dos, les mains sur son ventre rond.
    Loin des regards, la reine aimait à retrouver la
turbulence de son enfance. Elle gardait toujours ce besoin de vie et de dépense
qu’elle s’efforçait de brider en public, obéissant en cela à son vieux maître :
« Ne vous montrez qu’en majesté, mesurez vos gestes et encore plus vos
paroles. »
    Mézières lui avait appris la vigilance, à se
méfier de tous, car chacun possède en soi une parcelle corruptible. L’argent, mais
aussi la haine, la jalousie, le bavardage inconsidéré, la menace, même l’amour
ou quelque faute qui prête au chantage, sont les leviers de la corruption. Nulle
bonne politique qui ne soit souterraine, faite d’un réseau d’espions et de
menées clandestines. Comme un iceberg, l’on n’en voit que la face émergée, et
trompeuse.
    « N’y a-t-il point de purs et fidèles gens ? »
lui avait-elle demandé.
    « Certes, comme une pépite d’or dans un
torrent tumultueux, à vouloir la chercher, c’est le torrent qui vous emporte. »
     
    Isabelle, qui caressait toujours son ventre, le
sentit soudain se convulser.
    — Il bouge ! s’exclama-t-elle, ravie.
    — Je peux ? dit Catherine en posant déjà
ses mains à plat sur le surcot délacé de la reine.
    Impatiente, la petite comtesse fronça les sourcils.
    — Je ne sens rien. Comment ça fait ?
    — Ça fait que ça bouge, répondit Isabelle en
pouffant.
    — Mais c’est ton ventre qui bouge parce que
tu ris.
    — Non, c’est l’enfant qui rit parce qu’il
sait qu’il sera le plus beau prince de la terre.
    Et tout en parlant, elle songea si fort au sire de Graville
qu’elle aurait voulu hurler : « Je t’aime, gentil Bourdon. Je t’aime,
et je porte ton fils. »
    — À moi, rétorqua Catherine en reniflant, monsieur
de Montpensier est si vilain qu’il me fera vilain enfant.
    Le fils du duc de Berry, en effet, était loin
d’être attrayant. La reine se redressa et prit la fillette dans ses bras pour
la consoler. Elle revoyait le faste du mariage de Saint-Ouen, au printemps de
cette année 1386, et la minuscule demoiselle de France pleurante auprès de son
épais cousin de Berry, à la face camarde et furonculeuse, à l’allure vulgaire. L’évêque
avait lié ensemble la délicatesse et la grossièreté, absurdement, inexorablement.
    Il n’avait pas été du pouvoir de la reine d’empêcher
ces noces ; en revanche, elle avait réclamé au roi la garde de sa petite
belle-sœur en attendant qu’elle fût en âge d’être une épouse, et Charles la lui
avait donnée, bien que la princesse de France fût de la mesnie de Bourgogne
depuis un an. Philippe le Hardi, surpris, s’irrita fort de ce désaveu, et
Marguerite de Flandre en fut blessée.
    — Tu viens attraper les sauterelles et les
papillons ? demanda Catherine, déjà réconfortée, et qui voulait courir.
    — Non, lui répondit Isabelle. Je me sens
lourde, je vais me reposer un peu.
    Elle regarda en souriant la fillette se perdre
dans la haute avoine. Elle s’allongea et ferma les yeux, songeant à cette
première victoire qui lui avait permis de garder son Églantine. Forte de ce
succès, elle fit ensuite prolonger les fêtes du mariage en affectant d’y
prendre un plaisir jamais assouvi, tandis que le Hardi trépignait d’impatience.
    Profitant de l’euphorie des

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