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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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il avait répondu à l’appel de Mathieu. L’avait aidé à fourbir les épées, à vérifier les lance-pierres, à remplacer la corde usée des arcs. Il avait même, pour la première fois, entaillé le bois des flèches pour y adjoindre de fines ailettes.
    Rien dans son attitude ou son propos n’avait laissé poindre son tourment, mais Petit Pierre eût aimé qu’on lui explique pourquoi cette vision le pourchassait. Si encore cette créature avait eu le visage détesté de Fanette, sa mère, il eût pu l’admettre, mais au contraire l’inconnue était belle malgré sa pâleur, auréolée d’une masse imposante de cheveux couleur châtaigne. Chaque fois que Petit Pierre fermait les yeux dans un frisson, il lui semblait revoir de la douceur, presque de la tendresse dans les siens. Était-il à ce point en manque d’affection pour prêter autant de bonnes intentions au diable ? Il avait passé sa journée à se convaincre du contraire.
    Dans quelques mois, il aurait dix ans. Il n’était déjà plus un enfançon et n’avait besoin que de respect. S’accrocher aux jupons était bon pour les filles. Une autre idée lui vint. Et si tout simplement c’étaient elles qui le perturbaient ? Il se remémora ce que leur avait dit le frère Bernard qui, deux après-midi par semaine, leur donnait le catéchisme. L’histoire d’Ève et du serpent. Au fond, peut-être était-il simplement prêt à donner son premier baiser ?
    Lorsque la neige commença de tomber, il avait fait le tour des possibilités qu’offrait leur communauté. Une seule fillette, d’un an son aînée, avait trouvé grâce à ses yeux. Menue, souple et féline, de grands yeux bleus en amande dans un visage triangulaire aux joues rosées, Bertille était la fille de Celma, la devineresse, et d’un père tué en embuscade.
    Son fardeau s’allégea sur-le-champ et il se traita de sot tant l’évidence l’avait berné. C’était à côté d’elle qu’il dormait depuis que Fanette avait été bannie, depuis que Celma, la nouvelle compagne de Mathieu, l’avait adopté.
    Certain que désormais son cauchemar allait disparaître, Petit Pierre se dirigea vers un des recoins de la salle d’entrée qu’ils avaient aménagés en village.
    Comme il s’y attendait, la mère et la fille étaient penchées avec d’autres au-dessus d’un gour d’eau claire. D’un même geste, elles raclaient des racines au couteau en vue du dîner.
    Des impatiences dans les doigts dont soudain il ne savait plus que faire, Petit Pierre se planta en face de Bertille, près d’une concrétion de forme indéterminée qui, fermant à demi le goulet, permettait à l’onde de s’écouler.
    Il demeura là, dansant d’un pied sur l’autre sans que l’on fasse cas de lui, tant les femmes étaient habituées au mouvement autour d’elles. Bertille s’appliquait si méticuleusement à sa tâche qu’elle ne releva pas la tête durant un long moment.
    Ce fut Celma qui, la première, remarqua enfin son manège. Elle le cueillit d’un sourire engageant, faisant se dresser les visages autour d’elle.
    — Oui, Petit Pierre ?
    Pris de court alors qu’il avait passé les minutes précédentes à s’empêtrer de mots, le garçonnet rougit, bégaya :
    — R… r… rien…
    Il était trop jeune pour comprendre qu’ajoutée à son regard en coin qui caressait Bertille, cette négation valait tous les aveux. On se mit à pouffer autour du bassin. Celma lui sourit avec indulgence avant de se tourner vers sa fille.
    — Tu en as assez fait pour aujourd’hui. Allez, va…
    Sans malice, Bertille accepta avec reconnaissance cette levée de corvée, se redressa, se sécha les mains à son tablier et, indifférente aux quolibets des aînées, rejoignit Petit Pierre qui l’attendait.
     
    En quelques enjambées ils se retrouvèrent seuls.
     
    Dans la grotte, grâce aux dizaines de torches perpétuellement renouvelées, été comme hiver, la température restait douce. À l’entrée, la rivière qui en jaillissait autant que les rochers escarpés hérissés de végétaux ne laissaient que peu d’espace pour passer. Il suffisait que les guetteurs épaississent les abords de branchages à la moindre alerte et disparaissent au faîte des arbres pour qu’une centaine de personnes deviennent introuvables. Cet endroit était le plus sûr qu’ils connaissaient pour se cacher, mais certes pas, se dit soudain Petit Pierre, pour dissimuler l’échange d’un baiser.
    La bande

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