Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
Vom Netzwerk:
chers. Un surtout. L’épouse d’Orso Orsini, Julie Farnèse. De dix ans plus âgée que sa fille Lucrèce, dont elle était la dame d’honneur, Julie l’avait séduit dès leur première rencontre avec ses yeux d’ébène, sa peau mate qui les rehaussait, la rondeur de ses traits délicats et son allure pulpeuse. Il ne l’avait mariée à Orso que pour mieux éloigner celui-ci et la garder tout entière pour lui, dans le palais de Santa Maria in Porticu qu’elle occupait avec sa belle-mère et Lucrèce. L’endroit était idéal pour des rencontres discrètes. Rattachée à la basilique Saint-Pierre par une chapelle privée, cette demeure somptueuse offrait un accès facile à la chapelle Sixtine et, de là, aux appartements d’Alexandre VI.
    Le pape ne comptait plus le nombre de fois où il avait emprunté ce passage pour rejoindre sa belle, accordant espèces sonnantes et trébuchantes à Orso pour le faire taire.
    Cette fois encore…
    Il s’attarda devant le portrait fidèle qu’avait fait d’elle Pinturicchio. De toutes ses maîtresses, Julie était la seule qu’il aimait vraiment. Jalousement. La seule qui avait réussi à détrôner dans son cœur Vanozza Cataneï, la mère de ses enfants. À peine avait-il appris les projets d’invasion du roi Charles au printemps qu’il l’avait expédiée en sécurité à Pesaro avec Lucrèce. Mais au début de l’été, Lucrèce, enceinte, avait fait une fausse couche. La chaleur étouffante de la petite ville aidant, son ventre avait continué de pourrir. Sitôt qu’il l’avait appris, Alexandre VI avait craint de la perdre. Il lui avait envoyé son meilleur médecin, avec l’ordre de tout tenter pour la sauver, y compris la pratique employée pour renouveler le sang gâté de feu son prédécesseur au Saint-Siège.
    L’histoire n’ayant pas quitté les murs du Vatican, deux sots avaient accepté l’écu qu’on leur offrait pour s’allonger près de sa fille. Tandis qu’elle reprenait couleur et vie à la faveur de la transfusion, ils s’étaient endormis pour ne plus s’éveiller. Lucrèce s’était remise lentement, mais il avait dû la rappeler à Rome dans le sillage de son époux Giovanni Sforza, pour éviter que l’affaire ne s’ébruite. Quant à Julie, elle s’était rendue auprès de son époux à Bassanello où il tenait campement, au mépris du danger que la guerre lui faisait courir. Alexandre s’y était opposé vivement, préférant la voir regagner Rome et la compagnie de Lucrèce qui, comme lui, s’ennuyait d’elle. Il ne comprenait pas pourquoi Julie retardait sa venue, alléguant des prétextes irrecevables.
    « Je dois auparavant demander le consentement de mon mari… » Et depuis quand ce sot gras et insipide s’accordait-il le droit d’avoir un avis ?
    Ce vingt-trois novembre, Alexandre VI venait de lire le manifeste solennel qu’avait publié le roi Charles la veille. Cette fois, plus moyen d’ergoter. Les choses étaient claires. Dressant en bannière l’argument d’une croisade, la France exigeait de lui la libre circulation sur ses terres, sous peine de dommages collatéraux.
    Il fallait pour Julie la sécurité du Vatican. Le pape n’avait d’autre choix que de rabattre les prétentions d’Orso, à défaut de celles de la France, et il savait comment.
    Il se leva pour tirer le cordon qui activait une sonnette dans la pièce voisine et, quand un prélat se courba cérémonieusement devant lui, lui remit la lettre qu’il venait d’écrire avec l’ordre de la confier à un émissaire. Dès ce soir, Orso tiendrait entre ses gros doigts boudinés la promesse d’une importante somme d’argent. De quoi régler la question et voir revenir Julie toutes affaires cessantes.
    Cela réglé, une autre urgence faisait antichambre. Le pape regagna l’assise de son bureau. La jeune personne qui avait demandé audience, escortée de son époux, était d’une beauté inégalable selon son fils César qui avait eu le plaisir de la rencontrer. Alexandre VI décida qu’il était temps de la recevoir pour en juger par lui-même ; une femme pouvant aisément en chasser une autre dans son cœur.
    *
    Les yeux de Fanette brillaient d’impatience et de convoitise. Elle les avait bernés. Tous. Dumas, dame Sidonie et jusqu’à messire Enguerrand qui, à peine revenu dans la contrée, avait accepté la charge de la rendre aux siens. Elle avait d’autres ambitions en vérité, servie par cet heureux hasard.

Weitere Kostenlose Bücher