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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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diableries.
    Hélène lui prit la main et l’embrassa tendrement. Le temps passant, Elora ressemblait de plus en plus à Algonde, sa mère naturelle, mais elle serait plus belle encore, plus altière, plus grande aussi. Quant à ses pouvoirs de divination et de défense, si aucune occasion n’avait été véritablement donnée à la jouvencelle d’en faire étalage, il suffisait à Hélène de se souvenir de ce qu’elle avait vu dix ans plus tôt pour imaginer ce qu’il en était ce jourd’hui.
    — Finissons-en, décida-t-elle, résignée, en s’emparant elle-même de la teinture.
     
    Moins d’une heure plus tard, avec ses cheveux noirs qui dépassaient à peine du turban noué à la turque, le visage dépourvu de fard, foncé à l’eau de noix, la poitrine écrasée d’un bandage sous la tunique et les épaules couvertes d’une étole rouge, elle était en tout point semblable aux serviteurs du prince. Djem lui-même ne la reconnut pas lorsqu’elle passa la porte du salon dans lequel il était resté avec Aymar et Jacques, mêlant la politique d’aujourd’hui aux souvenirs d’hier.
    Un plateau d’argent en main, chargé d’une assiette de pâtisseries et de tasses fumantes de tisane, elle se planta tour à tour devant chacun d’eux pour les inviter à se servir, puis, voyant qu’ils continuaient à converser en toute aise, déposa son fardeau sur la table basse, entre la banquette où était resté Djem et le fauteuil de son père. Ni l’un ni l’autre ne tiqua. Alors, tandis qu’Aymar, lui, s’attardait sur ses traits, elle recula et s’installa sur la banquette aux côtés de Djem, un franc sourire aux lèvres.
    La première réaction du prince devant l’incongruité de la conduite de son valet fut de se tourner brutalement vers lui, piqué de stupeur et de colère. Ce furent les yeux d’Hélène, moqueurs et brûlants d’amour, qui emportèrent la vérité.
    L’instant d’après, ils riaient ensemble à gorge déployée.
    Lorsque, parée des bijoux et d’une des somptueuses robes d’Hélène, coiffée et fardée comme elle, Elora passa la porte à son tour de longues minutes plus tard, prête à jouer le rôle de sa mère adoptive, le silence se fit, spontanément.
    La fillette aussi était métamorphosée.
    Ils durent admettre d’un commun accord qu’ils n’avaient jamais rencontré plus parfaite beauté.

9
     
    Ce n’était pas la première fois que Petit Pierre faisait ce rêve. Il se voyait prendre une des torches et, dans le fracas des deux rivières souterraines, s’enfoncer au plus profond de la grotte de Choranche qui leur servait de repaire. Il frissonnait chaque fois qu’une goutte d’eau tombait d’une des fines aiguilles blanches accrochées au toit de roche, s’effrayait du chemin parcouru avec le sentiment de s’y perdre mais ne pouvait s’empêcher d’avancer, guidé par une voix douce, un chant si mélodieux et triste que son ventre en était noué, son cœur bouleversé.
    De salle en salle, les cascades succédant aux gours, les concrétions aux fistuleuses de calcaire, il finissait par rejoindre un lac, balayait l’espace de son flambeau sans parvenir à définir les bords tant la pièce haute et voûtée était immense. Sans hésiter, il avançait dans l’eau jusqu’à mi-cuisse et là se penchait pour regarder en deçà du miroir. Il s’éveillait toujours au même moment. Lorsque le visage d’une femme remontait à la surface et qu’il découvrait avec effroi la queue de serpent qui lui prenait la taille en place des jambes. Il se dressait alors sur sa couche, le souffle court, la poitrine soulevée de battements désordonnés, l’oreille bourdonnant d’une phrase que lui criait la créature :
    « Il ne faut pas avoir peur de moi. »
    Petit Pierre n’aurait demandé qu’à la croire, mais il n’y parvenait pas. Pas plus qu’il n’osait raconter ce songe, de crainte qu’on ne se moque de lui. Il avait mis trop de temps à ce qu’on cesse de le traiter de pesneux, à faire valoir sa force et son courage pour remercier son père de sa confiance. Le décevoir avec l’angoisse que lui causait un simple cauchemar était inconcevable.
    Pourtant, ce jourd’hui il n’avait pu s’en défaire.
    Entraîné sitôt levé par Jean, son demi-frère, il avait passé le goulet de l’entrée et, pendant que les hommes de la bande partaient en chasse, il avait joué comme d’ordinaire avec les autres enfants dans le bois. Après le déjeuner,

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