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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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appelèrent l’office de complies. Sidonie ne bougea pas pourtant, le souffle court, cherchant le regard fuyant de son fils. Rattrapé par des images qu’il avait tenté d’oublier tout au long de son périple marin, Enguerrand se leva brusquement et s’en fut se planter face à la fenêtre. Par-delà les meneaux, accompagnant le crépuscule, une neige fine s’était mise à tomber, crevant le plafond bas.
    Il se racla la gorge, déglutit, puis noua ses mains frémissantes dans son dos.
    — Nous avons retrouvé les parents de Mounia au Caire. Lui était un haut dignitaire attaché au sultan Keït Bey. Il nous a menés au plus secret d’un antique palais, par des souterrains inconnus de tout autre mortel. J’y ai vu la preuve de l’existence des Géants, des premiers êtres de ce monde que les Égyptiens avaient adorés pour dieux. C’est là que j’ai vraiment pris conscience de l’importance de cette carte pour Mounia. Cette carte qui menait à des terres au nord-ouest de la mer océane, immenses et fertiles. Cette nuit de juin 1484, nous étions tous quatre impatients d’en goûter les fruits, certains que l’enfant à naître aurait là-bas un fabuleux destin.
    Ses bras retombèrent d’impuissance. Dix années qu’il se mentait à lui-même. Il n’avait pas oublié.
    Sa voix s’était brisée.
    — Continue, mon fils, l’encouragea Sidonie en se levant pour le rejoindre.
    Il attendit qu’elle fût là, derrière lui, posant sur ses épaules soudain affaissées des mains marquées de taches brunes mais toujours aussi réconfortantes. Il les recouvrit des siennes, glacées. Laissa le haut de sa nuque chercher le front de sa mère.
    — Lorsque nous sommes sortis du palais, un Turc nous attendait. Houchang. Un des amis du prince Djem qui nous avait retrouvés.
    Sidonie laissa échapper un petit cri de surprise qui le figea. Elle s’excusa.
    — Tandis que tu vivais tout cela, Djem fut transféré au château voisin de Rochechinard et devint notre ami. C’est ainsi que nous avons appris qu’emporté par la fougue d’un cheval, Houchang était mort et son corps introuvable au fond d’un ravin…
    Enguerrand étouffa un soupir de détresse.
    — Djem vous a menti. Il avait chargé Houchang de récupérer le flacon pyramide que lui avait autrefois donné une sorcière, parce qu’il contenait un puissant contrepoison destiné à le sauver de la menace de son frère le sultan. Houchang captura Mounia et nous força à gagner une ancienne resserre à huile, au fond de la cour intérieure du palais.
    Ses doigts pétrirent avec fébrilité ceux de sa mère nichés à la naissance de son cou, tendu. La suite lui faisait mal, comme au premier jour.
    — Hélas pour nous, et pour lui que nous avions réussi à fléchir, Houchang n’était pas seul. Il avait lancé sur nos traces cet hospitalier de l’ordre de Saint-Jean qui avait jeté son dévolu sur Mounia durant la traversée vers Rhodes. Cet homme qui voulait sa vengeance… Il l’a eue, mère…
    La gorge nouée à son tour, Sidonie se pressa plus encore contre cette carrure massive qui s’alourdissait de seconde en seconde. Les mots sortirent, hachés, fusant sous les images insoutenables.
    — Tout est allé très vite ensuite. Houchang est tombé, fauché par leurs flèches. Les suivantes me blessèrent à la poitrine. J’ai vu s’effondrer le père de Mounia. Ce diable s’approcher… J’ai voulu m’interposer. Empêcher qu’il…
    Il pinça les lèvres, serra les mâchoires, regagna un peu de souffle avant de murmurer :
    — Lorsque j’ai repris conscience, plus de dix jours s’étaient écoulés. J’étais chez des fellahs qui m’avaient trouvé et soigné. Ce sont eux qui les ont enterrés. Aziz, Fatima, Mounia… mon fils qu’elle portait… Je n’ai pu qu’aller pleurer sur leur tombe, jusqu’à n’avoir plus de larmes, jusqu’à décider de retrouver cette terre des Anciens dont ma femme avait tant rêvé. La suite, vous la connaissez, mère…
    Une pluie discrète roulait sur les joues de Sidonie. Elle aurait tant aimé une autre fin. Une autre vie pour lui. Ils demeurèrent ainsi longuement soudés l’un à l’autre dans le recueillement de leurs pensées, aussi silencieux que cette neige qui forcissait derrière la croisée et drapait la contrée d’un linceul. Elle devait le lui dire, pourtant, alourdir encore son fardeau. Avant qu’il l’apprenne de quelqu’un d’autre.
    Sidonie n’en eut pas le

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