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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Enguerrand de Sassenage l’ignorait encore, mais elle n’avait pas l’intention de le quitter. Mieux valait devenir sa maîtresse en sa maison forte de la Rochette qu’il avait prévu de rejoindre, que de moisir de nouveau à Sassenage où elle finirait tôt ou tard mariée à un benêt. Elle avait tout à y gagner. S’ajoutait à cela une satisfaction personnelle. Comme Mathieu, Enguerrand avait aimé Algonde. Comme Mathieu, Fanette le voulait. Question d’équilibre. De vengeance posthume.
    « Sacrebleu, Fanette, que tu as changé ! » lui avait-il dit en la relevant alors qu’elle était agenouillée à ses pieds. Il comprendrait trop tard à quel point c’était vrai.
    Pourtant, lorsque la voiture qui les menait tous deux s’immobilisa dans la cour intérieure du siège de la prévôté à Romans, elle ne put retenir un frisson désagréable. Elle n’avait aucune raison d’être inquiète. Son histoire se tenait puisque dame Sidonie l’avait placée sous sa protection.
    Percevant son tressaillement, Enguerrand lui sourit avec bienveillance.
    — Bientôt ton cauchemar sera terminé, lui dit-il au moment où Dumas, qui les escortait jusque-là à cheval, ouvrait la portière.
    Elle accepta le poing du chef des gardes pour descendre, engloba d’un regard qu’elle voulut serein les deux bâtiments austères en angle droit, mais refusa de s’attarder sur les fenestrons fermés de grilles derrière lesquels se devinaient les cachots. Lorsque Enguerrand la rejoignit, elle reprit un peu d’assurance, malgré le gibet devant lequel ils passèrent et qui balançait sa corde sous un vent glacé. Nouveau frisson. Un instant, l’image de son fils Jean, pendu là, la rattrapa. Fanette la refusa fermement. Elle lui avait laissé le choix. Tant pis pour lui. Tant pis pour eux.
    Il n’y avait rien à regretter. Non.
    Rien.
    Elle remonta plus haut le col de son mantel, comme sa robe donnée par dame Sidonie. Accepta froidement le regard du soldat qui les reçut à l’entrée, drapée dans la certitude qu’aucun ici ne pourrait la confondre, et enfila un long corridor aux fenêtres étroites entre les deux seules personnes qui lui accordaient pour l’heure un peu d’humanité.
    Le prévôt était en visite auprès du gouverneur de la ville. Nul ne savait à quelle heure de la journée il rentrerait. Enguerrand accepta d’attendre et on les abandonna dans une pièce sobre et glaciale attenante à son cabinet, sur des bancs inconfortables. Le lieu n’appelait pas aux confidences et Fanette préférait, à dire vrai, les éviter pour ne pas risquer de se trahir. Évoquer sa captivité à la merci des hommes du clan Villon avait suffi à sa cause. Point n’était besoin d’en rajouter. Alors autant savourer le silence puisqu’il lui était donné.
     
    Enguerrand n’en était pas fâché.
    Le lendemain de son arrivée au château, sa mère l’avait pris en aparté alors qu’il achevait de s’habiller. Elle avait l’air grave et il pensa sur l’instant que c’était en relation avec cette bande armée que cette fille allait enfin leur permettre de boucler.
    De fait, les premiers mots de Sidonie furent pour le convaincre de la livrer au prévôt, qui jugerait mieux qu’aucun d’eux si Fanette disait vrai. En souvenir de son enfance à Sassenage, Enguerrand n’avait trouvé quant à lui aucun argument pour l’accuser.
    C’était là que Sidonie s’était laissé choir avec lassitude sur le bord du lit.
    — Beaucoup de choses me permettent à moi d’en douter. À la faveur de ce que tu m’as confié hier, je suis navrée de te les apprendre aussi brutalement, mon fils, mais les circonstances ne me laissent pas le choix.
    Il l’avait rejointe sur la courtepointe, avait emporté sa main dans la sienne et avait cherché ses yeux assombris.
    — Il n’est rien que je ne puisse entendre, mère, croyez-moi.
    Il se trompait.
    Il l’écouta sans l’interrompre comme elle l’avait fait la veille. Apprit la nature diabolique de la dame de compagnie de sa mère, cette Marthe qu’il avait toujours détestée. La résurrection de Jeanne de Commiers, le rôle qu’elle avait joué pour sauver l’enfant d’Hélène et de Djem. Et pour finir la mort atroce d’Algonde qu’il avait, enfant, tant aimée.
    Il était anéanti lorsqu’elle se tut. Pour autant, Sidonie n’avait pas terminé.
    — Des rumeurs prétendent que Mathieu a rejoint la bande de Villon après le drame. Or non seulement

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