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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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toi-même en affirmant que leur inexpérience mettait nos hommes en danger.
    Elle haussa les épaules.
    — Les règles sont toutes sujettes à exception. Petit Pierre est prêt. D’autant qu’il a été coursé par ce goret et qu’il doit laver son honneur en permanence.
    Se dépliant d’un bloc, Mathieu écarta Villon d’un revers de son bras amputé de la main, et avant que Fanette n’ait rien vu venir la culbuta à terre d’une tête en pleine poitrine. Il s’assit sur elle, la piqua du poignard à la carotide. Malgré le sang qui perlait sous la lame fermement appuyée et ce poids qui avalait sa respiration, Fanette ne chercha pas à se dégager, offrant un rictus cruel à la vindicte de son ancien amant.
    — Aucune mère digne de ce nom n’enverrait son fils à une mort certaine. Aucune, gronda-t-il. Qu’as-tu donc dans le cœur ? Je préfère te crever sur place que de le laisser se battre, tu entends ?
    Mesurant soudain le soulagement qu’il en éprouverait, Mathieu desserra son emprise et se rejeta violemment en arrière. Fanette se redressa à demi au milieu des buis, le souffle coupé. Elle demeura un instant assise sur ses braies portées à la garçonne, cernée par leurs comparses qui s’étaient rassemblés pour ne rien perdre de l’escarmouche.
    Impressionnés par la scène à laquelle ils avaient assisté depuis les rochers, les deux garçonnets déboulèrent à toutes jambes, forcèrent le cercle des brigands et s’immobilisèrent à deux pas des protagonistes.
    Les yeux de Petit Pierre roulaient de son père, qui demeurait le poignard à la main, à sa mère qui essuyait la goutte de sang sur son cou, comme l’enfançon venait lui-même d’éponger le sien.
    D’instinct, Jean s’était retranché contre les genoux de Villon. Il n’avait jamais vu sa mère à terre.
    Enfoncés dans un silence prudent, aucun des témoins ne réagissait. Petit Pierre se mit à trembler. Il sentait bien que c’était à cause de lui. C’était toujours à cause de lui que ses parents se disputaient. Il se planta entre eux, coupable d’exister, mais décidé cette fois à empêcher qu’ils recommencent.
     
    Déjà, comme si de rien n’était, Fanette se relevait. Elle se tourna vers les badauds, les sourcils froncés, l’œil méchant.
    — N’avez rien de mieux à faire ?
    Ils se dispersèrent, habitués à disparaître de la scène d’un crime comme autant d’ombres dans la forêt.
    Fanette marcha sur son fils.
    Malgré tout le courage dont Petit Pierre se parait ces derniers temps, ses épaules se ratatinèrent. Sûr qu’il allait prendre une volée. Celle que Fanette n’était pas de taille à donner à son père. Rien ne vint pourtant. Fanette se contenta de le jauger de la tête aux pieds, s’attardant sur la découpe qu’elle avait osée dans ses guenilles. Retrouvant courage, Petit Pierre bomba le torse pour lui révéler l’estafilade dont il voulait s’enorgueillir devant elle comme d’un trophée.
    Un sourire fourbe lui fut rendu en retour. Fanette apostropha Mathieu qui n’avait toujours pas bougé, occupé à réfréner l’envie de meurtre qui lui broyait le cœur et le ventre depuis tant d’années. Il en voulait à Fanette de l’avoir grugé une nuit d’ivresse, de lui avoir donné ce fils dont il ne voulait pas et auquel pourtant il s’était attaché pour ne pas sombrer. Il lui en voulait de lui avoir créé une raison de vivre quand il n’espérait, en rejoignant ce clan, qu’un coup de rapière pour l’achever.
    — Je ne veux pas me disputer avec toi, Mathieu. Laissons Petit Pierre décider.
    L’enfant sursauta. Sans attendre l’assentiment de Mathieu, Fanette s’accroupit devant le garçonnet.
    — Veux-tu nous servir de leurre à la prochaine embuscade ?
    Le visage de Petit Pierre s’illumina.
    — Et me battre ? Avec mon épée ?
    — S’il le faut…
    Petit Pierre se tourna vers son père, le plombant de sa joie puérile.
    — Oh oui, papa, s’il te plaît. Je me suis tellement entraîné !
    Mathieu ne sut que dire. Tant de fierté soudain dans ce regard qu’il avait si souvent vu baissé. Était-ce donc cela que voulait cet enfant qu’il s’était pris à aimer ? Mourir debout, en brave ? Ou s’endormir pour oublier que sa mère le rejetait ?
    Mathieu rangea son poignard. Que cherchait-il lui-même depuis dix années ? Il ne répondit pas, tourna les talons sur une vague de détresse. Un de plus qu’on lui prendrait. Il

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