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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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de désir. Il craignait pour la vie de son fils comme elle craignait pour les siens et tout à la fois, à en juger par la toile qui se tendait à hauteur de son bas-ventre, s’excitait de sa propre peur. Elle n’avait aucune confiance en lui. Même si elle pliait, il ferait exécuter Khalil. Or le bohémien était à ce jour pour elle l’être le plus précieux qui existait. Cette certitude emporta sa décision. Elle ferma les yeux, appela la lumière. Ne les rouvrit que lorsque César Borgia eut reculé. La pièce entière en était nimbée et tous deux portaient sur elle le même regard stupéfait. Dégagée de ses entraves, Elora ramena ses bras le long du corps. Elle captait à présent la présence de Khalil à quelques pas seulement du souterrain, comprenait avec tristesse pourquoi elle ne l’avait pas devinée plus tôt. Le poignard de César avait fait son office. Pour les hommes, le petit bohémien était mort. Qu’en était-il de l’âme des Anciens, ces Géants qui avaient présidé à son avènement et dont le garçonnet était, sans le savoir, le réceptacle ?
    Fi de ces misérables êtres que la surprise statufiait à quelques pas d’elle ! Il était urgent de sauver ce qui pouvait l’être encore.
    — Anoueï imoeï donico amouana, murmura-t-elle en tendant le bras vers le passage.
    Sa pensée souleva le petit corps inerte. Lorsque, allongé sur un lit de particules bleutées, il franchit le tunnel de pierre à hauteur de leurs yeux, les Borgia père et fils se signèrent en reculant. Elora les ignora. Elle percevait un souffle, loin, très loin en lui. Un souffle d’espoir. Une prière. Celle en laquelle Khalil n’avait pas cessé de croire, même lorsqu’il avait senti le froid de la lame. Les yeux d’Elora furent inondés de larmes. Elle se pencha au-dessus du corps qui flottait dans la pièce, souffla dans la bouche de Khalil cette énergie pure dont elle était la source. Instantanément, la poitrine du bohémien se souleva, contraignant le pape à chercher l’appui du mur et César celui de son épée. Au moment où Elora imposa ses mains pour achever de guérir, ce dernier se précipita vers elle, la pointe en avant. Elora n’eut pas conscience que la lame la transperçait de part en part, elle n’en perçut pas même le picotement.
    César retira son épée, trembla de découvrir qu’elle était devenue de cristal. L’arme lui brûla les doigts au-delà de la garde avant d’exploser dans une gerbe de sang, lui criblant d’éclats les mains et le visage. Elora, elle, était indemne. Il n’en demanda pas davantage. Il s’enfuit en courant, craignant les représailles.
    Alexandre VI demeura quelques instants encore, le temps de comprendre qu’il venait d’assister à un miracle, tel que décrit dans les Évangiles. N’importe quel homme de foi se serait agenouillé pour remercier le ciel de ce cadeau-là. Pas un Borgia.
    Lorsque Khalil ouvrit les yeux et sourit à Elora qui caressait doucement ses cheveux noirs, le pape avait lui aussi regagné la surface.
    Il n’entendit pas le bohémien chuchoter :
    — Promis, la prochaine fois, c’est moi qui te sauverai…
    Le pape donna l’ordre qu’on prépare ses bagages, bien décidé à abandonner la place et à gagner Gaëte où l’attendait le roi de Naples.

21
     
    Debout face à la saignée du mur de cette petite tourelle rattachée au long bâtiment de la prévôté, jambes écartées et légèrement fléchies, reins en avant, les deux mains crispées sur sa chemise relevée, Hugues de Luirieux grinça des dents en fixant cet insignifiant morceau de chair qui lui restait en place de verge. L’urine monta, gicla de manière désordonnée sans qu’il puisse rien y faire, inonda autant ses pieds nus que les pierres du mur avant de s’écouler par la rigole qui courait vers l’extérieur.
    — C’est excellent, vraiment excellent, le plomba le chirurgien qui, dans son dos, venait d’assister à l’exercice.
    Hugues de Luirieux recula, la rage au ventre. Il ne trouvait, lui, rien de louable à se pisser dessus. Ce charlatan pouvait lui répéter tant qu’il voulait qu’il avait eu beaucoup de chance de survivre à pareille mutilation, et que sans ce soldat, empressé de lui faire un garrot, il se serait vidé de son sang dans la grotte de Choranche, Hugues de Luirieux se demandait encore s’il n’eût pas préféré trépasser que subir cette humiliation. La haine ne le quittait plus. Il savait qu’on se

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