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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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Constantin et Algonde, bien qu’étayée d’explications sitôt qu’elle eut repris connaissance, la bouleversait encore. Davantage que Djem, illuminé d’une joie intense.
    — Mon trône reconquis, notre fils nous rejoindra en Istanbul, mon aimée, ma sultane. Nous serons réunis dans un bonheur suprême et sous le regard d’Allah.
    Elle avait hoché la tête, anéantie, sans parvenir à détacher les yeux de ceux d’Elora. À l’instant où, bousculant toutes les barrières qu’elle avait installées autour de sa mémoire pour mieux se guérir du chagrin, la perspective de ces possibles retrouvailles faisait son chemin, elle avait été rattrapée par l’image de ce nourrisson velu tel un petit animal. Certes, Djem était atteint d’une pilosité importante, mais sans commune mesure avec ce fils qu’elle lui avait donné. À quoi ressemblait-il ce jourd’hui ? Et quand bien même Constantin pourrait soutenir le regard horrifié ou moqueur de ses pairs, de son père, n’était-il pas toujours lié à cette prophétie qui l’avait rendu si important aux yeux de Marthe et de Mélusine ? Bien qu’elle n’en ait jamais véritablement compris le sens, Hélène n’avait pas oublié cette phrase qu’Algonde lui avait brandie à la fois comme une menace et un espoir immenses :
    « Le pouvoir des trois, du mal triomphera, et l’enfant né velu d’Hélène et d’un prince d’Anatolie, les Hautes Terres conquerra. »
    Menace d’hier. Espoir d’aujourd’hui ? Elle ne savait plus quoi penser, se torturait de doute et d’une angoisse qu’elle n’avait plus ressentis depuis de longues, trop longues années. C’était comme si soudain toute cette période de sa vie, marquée par la présence diabolique de Marthe, réapparaissait d’un bloc, la laissant sans défense. Et s’il n’y avait que cela… Mais l’idée d’Algonde, son Algonde tant aimée, prisonnière de cette forme reptilienne, dans ces eaux glacées, seule, abandonnée de tous. Elle ne pouvait concevoir plus terrible châtiment, plus grande souffrance. Et pourquoi, grand Dieu ? Sinon pour protéger cet enfant si particulier, dont la mort était pour Marthe une nécessité. Ce sacrifice seul était si lourdement chargé d’amour qu’Hélène ne pouvait s’empêcher de culpabiliser, de s’en vouloir du sentiment de trahison qu’elle avait ressenti tout d’abord comme de son bonheur retrouvé.
    Alors voilà. Hélène de Grolée, redevenue Hélène de Sassenage par la grâce du pape, avait besoin de réponses. Parce qu’elle avait élevé une enfant douée de pouvoirs hors du commun. Une enfant dont la lignée, féerique, était tout entière au service d’une prophétie qui les avait, elle et son fils, manipulés depuis la naissance.
    Plus de mensonges. De silence.
    Ce moyen qu’employait Elora pour communiquer avec sa mère, elle voulait y avoir accès. Elle voulait voir, de ses yeux voir son fils et son ancienne dame de compagnie. Les entendre, leur parler. Pour y croire vraiment. Pour trouver des solutions au martyre d’Algonde et continuer à jouer son rôle de valet le jour, d’amante à la nuit tombée, de sultane lorsque Djem aurait enfin triomphé, et de mère. De mère surtout si Dieu et Allah réunis dans l’amour, enfin, le lui permettaient.
    Mais des réponses, l’heure qui s’écoula ne lui en donna point. Elora ne se montra pas. Hélène ne vit pas davantage Aymar de Grolée et Jacques de Sassenage, lorsque, abattue d’angoisse, elle reprit son service dans la vaste salle de réception. Elle n’apprit qu’au soir venu et de la bouche de Djem qu’ils avaient été incarcérés.
    *
    Le château Saint-Ange était aussi luxueux en ses appartements que sinistre en sa prison. Sans fenêtres, uniquement aérés par les grilles qui les bouclaient et le long couloir puant qui les desservait, les cachots, mitoyens, étaient au nombre de cinq, taillés à même le roc dans le sous-sol du bastion. Indifférents à l’indignation générale, des Suisses venaient de recharger de paille les matelas colonisés par les rats tandis que d’autres distribuaient un brouet immonde et des couvertures. Les plus vifs à se rebeller furent les prélats qui jouèrent des poings et furent refoulés par la pointe des hallebardes dans le fond d’une seule cellule. On les y avait entassés sciemment tous les six sur ordre du pape.
    Aymar de Grolée et Jacques de Sassenage, dans le cachot voisin, quémandaient des réponses

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