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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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retour, pleine d’impatience. Mais il s’était avancé avec Algonde dans la cour du castel, Elora dans les bras, et, empêtré dans ses excuses, était venu lui apprendre leur mariage. À cause de la petiote. Fanette n’avait pu le supporter. Elle avait voulu se venger, le punir, le rendre coupable de sa dérive. Les rendre tous coupables de sa monstruosité. Elle s’était trompée. Elle seule l’avait été.
    — Cette fois-là, dans la forêt, lorsque tu as tenté de me raisonner, ce n’était pas par pitié, n’est-ce pas ?
    Algonde secoua la tête.
    — Tu étais mon amie, Fanette, et je croyais être la tienne. Je n’ai jamais voulu te faire souffrir.
    Elle la fixa intensément.
    — S’il n’y avait eu Elora, je me serais effacée, Fanette. Voilà ce que j’étais venue te dire, te convaincre de rester et de nous pardonner.
    — Au lieu de quoi je t’ai poignardée…
    Fanette se referma sur ce constat. Quelques minutes passèrent, bercées des remous dont le battement régulier de la queue d’Algonde troublait le lac. Fanette reprit, amère contre elle-même :
    — Celma a raison, Algonde. Je suis quelqu’un de mauvais. Elle est autant attachée à Mathieu que je l’ai été. Elle l’a recueilli dans sa souffrance, elle lui a donné tout l’amour dont elle était capable pour compenser ta perte. Et ma haine. C’est pourtant vers moi qu’il est venu en premier. Pas vers elle. Je l’ai traité tel un chien galeux, me repaissant de sa douleur. J’ai même été jusqu’à…
    Sa voix se brisa, mais elle ne voulait plus se taire.
    — Mathieu ne pouvait plus supporter de battre la campagne autour de Sassenage, comme nous le faisions alors. Il avait convaincu Villon de déplacer notre campement plus haut dans la région, dans le massif de la Chartreuse, et j’étais partie en reconnaissance, seule, comme je le faisais souvent. À l’époque, j’avais encore mes cheveux longs que je nattais comme les tiens et une robe. En revenant à l’orée de la nuit, je suis tombée sur un cavalier qui traversait le bois. Suspicieux, il m’a demandé où j’allais, qui j’étais. J’ai fondu en larmes, prétextant que j’étais partie ramasser des pignes de pin et que je m’étais égarée. Il est descendu de cheval…
    — Il t’a violentée ? demanda Algonde face à sa moue désabusée.
    Fanette émit un petit rire.
    — Aucun homme ne m’a jamais contrainte. J’aime trop ça en vérité. Il m’a prise entre deux souches d’arbres puis il est remonté sur son cheval et il l’a lancé au grand galop, sans se retourner. Moi, j’ai continué mon chemin. En arrivant près du campement, j’ai trouvé Mathieu qui enlaçait un arbre. Il était ivre, pleurait et gémissait à la fois, répétait des mots sans suite. J’ai compris que dans sa folie avinée, c’était à toi qu’il s’imaginait parler. Alors j’ai fait semblant. J’ai pris ta place. Je l’ai laissé me béliner et j’ai joui de lui…
    Elle fixa Algonde dans les yeux.
    — Au matin, je lui ai fait croire qu’il en avait fait autant. Alors quand je suis tombée enceinte de Petit Pierre…
    Le cœur d’Algonde s’accéléra dans sa poitrine.
    — Tu veux dire qu’il n’est pas de lui ?
    Fanette secoua négativement la tête.
    — Il voulait mourir et cette idée m’était insupportable. La haine est un bon moyen, crois-moi, de masquer le trop d’amour. Je lui ai donné ce fils pour qu’il y ait entre nous un lien plus fort que tout. Et en même temps je voulais qu’il souffre. Parce qu’il ne m’aimait pas.
    Algonde détourna les yeux.
    — Tu vois, tu n’aurais pas dû me laisser vivre. Je suis l’être le plus méprisable qui soit.
    Quelques secondes de silence s’installèrent entre elles, puis Algonde soupira :
    — J’ai passé dix années de ma vie dans cet endroit, sans adulte à qui parler. C’est long, dix ans, Fanette. Du coup, je ne suis plus très regardante en matière d’amitié.
    Cette fausse désinvolture amena un rictus sur les lèvres brûlées de Fanette.
    — Tu ne me pardonneras jamais le mal que je lui ai fait, n’est-ce pas ?
    Algonde n’eut pas envie de tricher.
    — Non, répondit-elle.
    La douleur de Fanette s’apaisa instantanément.
    — Merci. Je préfère ça, je crois, à un pardon que moi je ne m’autorise pas. Puisqu’on joue de franchise, me diras-tu maintenant la raison de mon sursis ? Parce que je suis en sursis, cela va de soi…
    Algonde

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