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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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fait. Cette fille à ses côtés n’appartenait ni à l’une ni à l’autre race. Pour la première fois, il accepta de n’en attendre rien. Ni bien ni mal. Ni perte ni profit.
    — Qui es-tu en vérité ?
    — Quelle importance ? Tu connais mes pouvoirs. La force de ma colère, la puissance de mon amour. On ne m’achète pas, ne me convoite pas, ne m’élimine pas. C’est un constat qu’il te faut accepter, Rodrigo. La seule raison pour laquelle je ne raye pas le Vatican de la surface du monde, c’est que les hommes ont besoin de ce qu’il représente, quel que soit celui qui le dirige, quelles que soient les exactions qu’il commet. Les petites gens pour s’accrocher à l’espoir d’un paradis post mortem, les grandes pour se l’offrir au quotidien et de leur vivant.
    Elle lui tapota l’avant-bras dans un geste de profonde commisération.
    — L’exemple vient d’en haut et les dieux de Rome ne l’ont pas donné. Le seul qui vous l’ait montré, vous l’avez crucifié et le crucifiez encore, chaque jour, par vos actes, jusqu’en ces terres que le sire de Colomb vient de découvrir à l’ouest. Regarde votre ignominie en face, Rodrigo. Pour satisfaire votre insatiable cupidité, vous volerez l’âme de ses habitants, implantant en retour en eux les germes de votre propre décadence.
    Le pape tiqua.
    — Que sont-ils sans le baptême ?
    — Qui étaient-ils, les premiers croyants, avant de l’avoir inventé ? Dans toute l’histoire du monde, il y eut des hommes justes. Et d’autres, comme toi, qui les ont utilisés.
    Il baissa le nez.
    Elora soupira amèrement.
    — Ton combat est perdu d’avance si tu n’uses pas de diplomatie. Baisse les armes, Rodrigo Borgia. Négocie dignement avec le roi de France et laisse le prince Djem en paix. Tout musulman qu’il soit, il a des leçons à te donner.
    Elle ébaucha un signe de croix sur son buste joliment échancré. Le pape s’étonna de n’avoir plus envie de s’y attarder, tandis qu’elle se penchait vers lui pour ajouter :
    — Je partirai bientôt et vous ne me reverrez pas, Votre Sainteté, alors accordons-nous à un pacte, voulez-vous ?
    Il opina du menton, ravi de cette perspective, rasséréné de ce vouvoiement protocolaire qu’elle venait, enfin, de lui accorder.
    — Soyons, vous et moi, les meilleurs ennemis du monde. Vous ne touchez pas à Hélène de Sassenage après mon départ et, à titre de représailles pour la torture infligée à Khalil…
    Il se raidit dans sa posture de prière, repris par l’inquiétude. Elora s’en amusa quelques secondes avant de murmurer :
    — … je me contenterai de vous enlever un être cher…
    Il frémit de la tête aux pieds. Elora retrouva en elle le plaisir justicier qu’elle avait éprouvé à son supplice dans la chambre. Elle songea à la souffrance de Khalil sous les coups de fouet. Aucun châtiment ne serait assez fort pour le venger. Elle se leva et pesa de sa paume sur l’épaule du pape qui suait sous sa mitre.
    — Rassure-toi, Rodrigo. L’assassinat reste ton arme, pas la mienne. Non, cette personne continuera de vivre, heureuse et loin de toi, mais tu ne t’en remettras jamais, foi d’Elora…
    Elle lui lança un clin d’œil complice, donnant à deux prélats, occupés à allumer une rangée de cierges, matière à alimenter la rumeur.
    Elle les salua au passage, avant de s’éclipser.
    En proie à un doute qui déjà le mettait à la torture, le pape accrocha du regard un rayon poussiéreux. Traversant les vitraux, le soleil nimbait d’une aura bleue une statue à quelques pas de lui. Son cœur s’accéléra dans sa poitrine, à lui couper le souffle. Prenant vie sous cette lueur magnifique, le marbre le renvoya en arrière. Elora et Khalil. La Vierge et l’Enfant. Il se prit à rire, nerveusement. Stupide. C’était une idée stupide. Qu’est-ce qu’un petit bohémien pouvait bien avoir de divin ?
    Il se signa, se redressa, traversa la basilique Saint-Pierre et ouvrit la porte qui donnait dans la chapelle du palais Santa Maria in Porticu.
    Il éprouvait un besoin viscéral de serrer Julie Farnèse dans ses bras.
    *
    Le rire de Khalil cascadait si joliment qu’Hélène ne s’en rassasiait pas. C’était comme une eau vive qui jaillissait de-ci, de-là, à la fortune d’un mot, au giclement d’un fruit mordu trop goulûment, à une pitrerie involontaire. Cet enfant était la vie même et la renvoyait à celui qu’elle avait perdu. Chaque

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