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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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glissa dans l’eau émeraude.
    — Tu la trouveras seule, le moment venu. En attendant, profite de ton fils. On ne se rachète jamais assez aux yeux de ceux qu’on a mal aimés…

22
     
    Julie Farnèse n’était pas à proprement parler une beauté. Ce qui émanait d’elle pourtant attirait immanquablement les regards. Agréablement tournée bien qu’un peu courte de jambes, elle posait sur chacun de grands yeux de biche aux longs cils naturellement recourbés. La bouche était trop grande, mais terminée haut sur les pommettes en petites fossettes lorsqu’elle riait. Pour parfaire le tableau, une chevelure noire moirée de reflets bleutés ondulait jusqu’à ses pieds… Elora comprenait parfaitement pourquoi elle éveillait semblable désir chez le pape.
    La Florentine, debout devant elle dans sa longue robe de satin violette, un fin voile de linon blanc surmonté d’une résille de fils d’or sur la tête, était la parfaite incarnation de la sensualité.
    À chacun de ses mouvements d’une grâce extrême, le glissement des cheveux sur le tissu rappelait le souffle du vent dans les feuilles. Sa main s’envola et vint prendre celle d’Elora. Les yeux se teintèrent d’espoir.
    — Vous m’aiderez ?
    Elora acquiesça.
    La crypte, mal éclairée et basse de plafond, dans laquelle elles s’étaient retrouvées à l’invitation discrète de Julie, protégeait d’ordinaire les saintes reliques. Celles-ci ayant été déplacées au château Saint-Ange, l’endroit n’était plus gardé et offrait l’avantage de murailles naturelles que nul n’avait songé à percer.
    Les doigts gantés de dentelle pressèrent ceux d’Elora avec chaleur avant de se plaquer sur un buste qu’une récente grossesse alourdissait encore.
    — En fait, j’ai surtout peur pour ma petite Laura. Rodrigo est capable de tout lorsqu’il s’agit de ses enfants. Je crains qu’il ne me fasse rechercher et ne me l’enlève, comprenez-vous ?
    — Ses pouvoirs ne sont pas sans limites, Julie. Hors de Rome, il ne peut rien. Mais vous ne devrez plus y revenir. Jamais.
    — Je n’en ai pas l’intention.
    La voix était ferme, posée, étouffée par l’étroitesse de l’alcôve qui s’ouvrait sur un couloir menant à d’autres salles funéraires. La nécropole de la papauté.
    Julie se mit à lisser nerveusement les pans de sa robe avant d’ajouter :
    — Les parents de mon époux se sont mis au service des Français, mais pas au mien. Ils me considèrent comme une catin, prétendent que j’ai sali leur famille par mes actes ignominieux.
    — N’est-ce pas le cas ?
    La Florentine sursauta, piquée au vif par l’insulte. Un éclair de rage traversa son regard de jais.
    — Ce que le pape veut, il le prend. Avec tendresse si vous l’offrez, avec violence si vous le refusez. Par amour pour Orso, j’ai repoussé ses avances, convaincue de mon droit. La nuit suivante, mon propre époux me ligotait sur notre couche après m’avoir battue. Ensuite il a ouvert sa porte au pape et à son fils et les a laissés s’amuser de moi à leur guise, assis confortablement dans un fauteuil, s’occupant à compter la petite fortune qu’ils lui avaient remise. Le lendemain, il quittait Rome pour le poste qu’on lui avait réservé, et le pape me faisait comprendre qu’il n’avait autorisé mes épousailles que pour me tenir à merci. J’y suis restée. Mais pas par plaisir, comme Rodrigo se l’imagine. J’y suis restée parce que je n’ai pas le choix. La seule fois où j’ai tenté de me rebeller contre certaines pratiques avilissantes, il m’a offerte à ses soldats pour me les apprendre.
    Elora s’en voulut aussitôt de son jugement hâtif, ramenant à la soif de luxure quiconque en usait à Rome. Elle rougit de honte.
    — Pardonnez-moi, Julie, mais à vous voir si proche de Lucrèce, si enjouée aussi, je n’ai pas songé un instant que vous étiez contrainte.
    Julie s’adoucit, voulut répondre mais, percevant un grattement, se recula instinctivement. Une souris la fixa un instant sur ses pattes arrière avant de disparaître à sa vue.
    Repoussant cette peur viscérale qui ne la laissait plus en paix depuis son retour à Rome, elle soupira :
    — Qui n’est amie de Lucrèce est son ennemie, voire sa rivale, je ne vous l’apprends pas. J’ai espéré son soutien, mais elle est prisonnière autant de son frère que de son père. Ils en usent à leur guise, l’un comme l’autre, avec amour et

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