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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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indubitablement, les liait encore ?
    Jusqu’où ?
    C’était une question qu’Elora continuait, hélas, de se poser.

23
     
    Hugues de Luirieux avait compté trente-sept familles. Au bout de la huitième, il avait dû rabattre ses prétentions et déléguer à un lieutenant la suite des interrogatoires. Non seulement il était épuisé, mais à la faveur des réponses qu’on lui avait faites, il avait vu s’envoler de minute en minute dix années d’espoir. Les quatre meneurs n’étaient pas là. La première, Fanette, lui avait faussé compagnie, la deuxième, Celma, prétendue devineresse, s’était esquivée avec les siens par la grotte, ce qui sous-entendait que les deux femmes s’étaient rejointes quelque part, mais hors d’atteinte. Villon avait été fauché par une flèche, quant au Mathieu… Hugues de Luirieux cogna du poing contre le mur, faisant trembler la fenêtre derrière laquelle une neige collante s’était remise à tomber. Il fixa sans les voir les flocons blancs qui épaississaient la cour intérieure du sobre bâtiment de la prévôté. Bientôt, la nuit qui descendait avalerait leur tourbillon dans un noir d’encre, et seul un silence feutré marquerait leur incessant ballet. Il serait seul à le veiller, tourmenté de questions qui n’auraient peut-être plus jamais de réponses.
    Juste parce que le Mathieu lui avait échappé. Dans la vie ou dans la mort, cela restait un mystère. Un de plus.
    Certains avaient affirmé que le malandrin était parvenu à s’enfuir, talonné par Enguerrand de Sassenage. Mais le chevalier était revenu quelques minutes plus tard, bredouille, quand tous les autres avaient été rattrapés. Les corps des défunts, ramassés de-ci, de-là par les soldats, avaient rapidement été entassés dans la charrette, les uns sur les autres, et, sitôt arrivés à Saint-Quentin, remis au curé. Une oraison bâclée, quelques pelletées de terre pour reboucher une fosse commune avaient scellé leur destin. Impossible donc de vérifier si Mathieu était de ceux-là ou s’il battait encore campagne. Seul Enguerrand de Sassenage aurait en fait pu le dire, mais il était retourné chez lui et Hugues de Luirieux n’était pas pressé de le revoir. Du moins, pas tant qu’il serait en état de faiblesse.
    Il contracta les muscles de son ventre pour retenir l’envie d’uriner qui le chatouillait. Il faudra que tu t’y fasses, semblait-elle le narguer. Mais la seule idée de se déshabiller pour pisser lui était insupportable. Au moins autant que celle d’inonder ses braies. La rage le gagna de nouveau. Rage contre lui-même, contre les événements qui, ces jours derniers, semblaient vouloir s’accumuler à plaisir pour gâcher son existence. Et ses projets.
    On toqua à la porte du bureau. Le lieutenant parut, chargé d’une pile de feuillets.
    — Ce sont les derniers, dit-il en les déposant sur le plateau de bois.
    Il se reprit :
    — Enfin, pas tout à fait.
    Luirieux tiqua.
    — Qu’est-ce à dire ?
    Le lieutenant se gratta la barbe.
    — Il reste un enfant d’une dizaine d’années. Personne ne veut en assumer la paternité, et lui refuse de parler.
    Luirieux haussa les épaules, agacé.
    — Battez-le.
    Le lieutenant prit un air ennuyé.
    — Il n’a pas vraiment l’air comme les autres. Je ne suis pas sûr qu’il soit entêté, rapport au coup qu’il a reçu sur le crâne. Il est resté inconscient longtemps et il paraît qu’il a beuglé pendant tout le voyage du retour ici.
    — Et qu’est-ce qu’il… beuglait ? s’excéda Luirieux, en se détournant, douloureux du besoin d’uriner.
    « Imbécile », se fustigea-t-il en songeant aux deux pintes de vin qu’il avait descendues pour mieux se remonter.
    — J’te tuerai, mman, j’te tuerai…
    Luirieux virevolta, empoignant par réflexe son bas-ventre, l’envie cisaillée aussi sûrement que son vit. Pourquoi venait-il de penser à Fanette ?
    — Amenez-le-moi, décida-t-il, les sourcils froncés.
    Le lieutenant n’eut qu’à ouvrir la porte et à agripper par le bras le garnement qui attendait, mains liées au dos et pieds entravés, sous la garde d’un soldat. Il le poussa sans ménagement dans la pièce. C’est le regard que l’enfant leva sur lui, chargé d’un feu ardent, qui convainquit Hugues de Luirieux. Il lui rappela le sien, ce matin même face au miroir. Même hargne. Même fierté bafouée. Par la force, il n’obtiendrait rien. Il s’adressa au

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