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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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cheveux d’ébène, un sourire béat au coin des lèvres. Il y avait bien longtemps qu’elle ne s’était sentie aussi légère, malgré le désordre qui régnait dans la pièce.
    — Et dire que j’avais tout rangé…
    Khalil souffla sur une plume qui descendait en vrille délicate devant son visage.
    — Pas grave, c’était bien. Ça me rappelle chez moi, avec les autres de mon âge.
    Son cœur se serra au souvenir des siens. Il les sentait proches, dans l’attente de son retour. « Bientôt », songea-t-il avec tendresse.
    — Je t’aime bien, dame Hélène. Tu sais, j’ai vu aussi comment tu regardais mon ange…
    — C’est ma fille adoptive… Elle s’appelle Elora, lui concéda-t-elle.
    À ce nom, il sursauta si brusquement qu’Hélène, alanguie par ce moment de sérénité après la tornade, en fit autant. Khalil était devenu si livide malgré sa peau brune qu’il en était presque blanc.
    — Qu’y a-t-il, Khalil ? Qu’ai-je dit ? s’inquiéta-t-elle devant cet air étranger qui lui plombait le visage.
    Il mit quelques minutes à se reprendre. Sa gravité offrait un tel contraste avec l’instant précédent que le souvenir de ce dernier s’envola.
    — J’ai un secret moi aussi, dame Hélène.
    — Il sera bien gardé, lui assura-t-elle, pressée de comprendre ce qui pouvait le jeter en pareil état.
    De fait, le souffle court, l’œil douloureux, il restait choqué. Les mains savamment brossées qu’il ramena dans les siennes étaient devenues moites. Il les serra, comme s’il craignait que son aveu ne l’emportât. Hélène adoucit sa voix :
    — Dis-moi, Khalil.
    Il la fixa, mais elle comprit qu’il regardait au-delà, bien au-delà. De même la voix qui, tel un murmure, passa ses lèvres :
    — Depuis que je suis tout petit, je fais un rêve, toujours le même. Je galope auprès de compagnons sur une plaine immense. Les fleurs que les chevaux écrasent ne ressemblent à aucune autre, et dans le ciel deux lunes se regardent. Je ne me vois pas plus que je ne vois ceux qui m’entourent, mais je sais que je suis quelqu’un d’important, qu’il faut aller vers cette montagne qu’on aperçoit au loin. Elle se dresse comme un poignard dans la plaine et un étrange nuage noir tourbillonne en son sommet. J’ai du courage dans le cœur, mais sa vision m’oppresse. J’ai l’impression d’un œil qui nous surveille. Pourtant, quand nous arrivons au pied, une femme nous attend. Elle est brune de peau comme moi et elle sourit en m’ouvrant les bras…
    Il marqua une pause.
    Dans la position où ils se tenaient, ils ne pouvaient voir le seuil de la porte. Elora s’y était immobilisée, troublée par la confidence du bohémien.
    Hélène pressa les doigts de ce dernier, un sourire apaisant sur les lèvres.
    — Je ne vois là rien d’effrayant, Khalil. Les rêves nous viennent sans raison et ils repartent de même.
    Il secoua la tête.
    — D’habitude, la peur me réveille toujours à ce moment-là, mais l’autre nuit, après le fouet, j’ai eu de la fièvre, beaucoup de fièvre, et je n’ai pas réussi à lui échapper.
    — Échapper à qui ? À cette femme ?
    Il hocha la tête.
    — Elle a emprisonné les autres, mais pas moi. Moi, elle m’a conduit devant la créature.
    Il frissonna et vint se blottir contre elle avant de poursuivre d’un timbre craintif :
    — Si tu l’avais pu voir, dame Hélène, tu comprendrais. Son visage ressemblait à un crâne sur lequel on aurait juste collé un peu de peau, le nez était crochu comme celui d’un aigle, les yeux petits, mauvais, rapprochés, sans sourcils ni cils, enfoncés dans des cernes noirs, les ongles recourbés comme des serres…
    Le cœur d’Hélène s’accéléra dans sa poitrine, rattrapée par le souvenir détestable d’une même laideur maléfique.
    — … La femme m’a obligé à m’agenouiller devant elle. C’est à ce moment que la créature s’est levée. Sa voix résonne encore dans ma tête, dame Hélène. Une voix rêche et ensorcelante à la fois, qui m’a dit merci…
    Un sanglot d’angoisse étrangla sa voix.
    — … Merci de lui avoir ramené Elora.
    Sans plus attendre, cette dernière s’invita devant eux, un sourire rassurant aux lèvres. Elle ne révéla que la face émergée de la vérité. De sa vérité. Car comment avouer que sa lumière, toute de bonté, recelait une part d’ombre, celle que Marthe avait semée en elle au moment de sa naissance et qui,

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