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Elora

Elora

Titel: Elora Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Mireille Calmel
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son angoisse, qui se brisa net au souvenir de ses chaînes. Il leva vers le prévôt un œil rattrapé de tristesse.
    — Je vais être pendu, m’sieur ?
    C’est à cet instant que Hugues de Luirieux mesura à quel point le pouvoir était indispensable à un homme tel que lui.
    — Non, affirma-t-il avec sincérité. Et pour te le prouver, je vais te séparer des autres.
    Petit Pierre blêmit, se révolta :
    — Pourquoi ? Parce que je suis le fils d’une traîtresse ? Qu’est-ce qu’ils vont penser de moi ? J’suis pas comme elle ! Je préfère la corde qu’avoir à faire avec vous !
    Le prévôt soupira. L’envie le démangea de le gifler, mais il la contint. Mieux valait pour ses projets obtenir le soutien et la confiance totale de cet enfant, qui avait croisé les bras sur un relent de fierté. Légitime, d’ailleurs. À sa place, Hugues de Luirieux en aurait fait autant… avant de passer à l’ennemi.
    — Calme-toi. Tes amis sont ce jourd’hui bien plus inquiets de leur sort que du tien. À juste titre. Dans quelques jours, ils seront jugés, condamnés et exécutés, hommes et femmes pareillement. Dès demain, leurs enfants seront placés sous la protection du curé. À l’exception des plus grands qui connaîtront le sort des aînés. Si je te présente au juge, ta taille jouera contre toi et je ne pourrai plus rien. Si je te recrute, par contre…
    Petit Pierre se mit à trembler au souvenir de la potence dans la cour, de l’angoisse de ses compagnons de cellule, de la main épaisse de Briseur sur son front. Briseur qui lui avait répété de ne pas s’inquiéter, que son père s’était enfui et qu’il allait trouver le moyen de le sortir de là sans se faire prendre. Comme Celma, Bertille et Jean qui avaient eux aussi échappé au prévôt. Sa famille. Sa vraie famille était dehors. Libre. S’il voulait les rejoindre, mieux valait qu’il coopère. Un sursaut de méfiance et de lucidité le fit pourtant plisser le nez sur la trop grande générosité du prévôt. Il n’en avait pas la réputation. Bien au contraire.
    — C’est mon père que vous voulez, pas vrai ? Vous allez vous servir de moi…
    Le moment que Luirieux attendait. Il haussa les épaules.
    — Villon est mort. Que pourrais-je donc tirer de toi ?
    — Je parle pas de V…
    Petit Pierre se mordit la langue, devant l’expression jubilatoire qui gagna les traits de Luirieux. Une main crochue lui étreignit l’épaule avant de la tapoter doucement.
    — Tu te méprends, petit. Je ne cherche pas le Mathieu pour le pendre, bien au contraire. Nous avons des intérêts communs, lui et moi. Tout ce que j’espère, crois-moi, depuis de longues années, c’est qu’il se joigne à moi.
    Petit Pierre béa de la bouche, abasourdi.
    Hugues de Luirieux se mit à rire en se levant. L’envie d’uriner l’avait repris, d’une manière si impérieuse cette fois qu’il ne pouvait faire autrement que de lui obéir. Il ouvrit la porte et donna l’ordre qu’on installe un matelas et une bassine d’eau chaude dans le réduit qui jouxtait sa chambre.
    — Tu dîneras avec moi. Une fois décrassé et soigné, cela va de soi, ajouta-t-il à l’intention de Petit Pierre, avant de sortir de la pièce en sifflotant.
    Si le Mathieu et Fanette avaient eu le bon goût de survivre, sa journée, finalement, ne serait pas si mauvaise que ça.

24
     
    Certains hivers sont plus rigoureux que d’autres. Ils déchaînent leurs foudres glaciales sans se préoccuper des hommes qui tracent leur route dans la neige, le froid ou la solitude.
    Ils n’écoutent ni les battements réguliers d’un cœur prisonnier d’une nuit sans fin, tel le Mathieu dans les draps blancs de sa colère, ni les sanglots des enfants arrachés à leurs parents.
    Encore moins les prières de ces mères qui, dans le malheur, se réjouissent de les perdre sur le simple constat qu’ils resteront vivants.
    Ils ne voient pas l’angoisse d’une repentie qui cherche le moyen de racheter ses fautes auprès de ce fils qu’hier encore elle croyait haïr.
    Pas davantage celle d’une femme-serpent pour l’homme qu’elle n’a jamais cessé d’aimer et dont elle sent la présence à moins d’un quart de lieue.
    Ils se moquent de ces bohémiens, terrés dans leurs roulottes aux couleurs vives, inquiets de leur devenir et d’un garçonnet dont ils espèrent le retour.
    Ils n’épargnent personne.
    Ni les puissants ni les misérables.
    Ni les forts ni les

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