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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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croyez… je n’accuse personne… J’erre entre deux divagations, désespérant d’en arriver à une explication, car je le répète, sur mon âme, je n’ai jamais commis aucun acte vil ! Peut-être ai-je parfois péché en pensée… mais jamais, au grand jamais, je n’ai porté préjudice, à quiconque.
    — M’expliquez, madame. M’expliquez par le début. Mon temps vous appartient. Assoyons-nous. Le garde nous portera bientôt une collation que nous dégusterons en confiance. Sachez, madame : je ne suis pas votre ennemi, pas plus que celui de la famille de Vigonrin.
    1 - Moitié du XII e siècle. Première femme écrivain-poétesse d’expression française connue. Bien que nous ayons très peu de renseignements à son sujet, elle aurait séjourné en Angleterre durant le règne d’Henri II et d’Aliénor d’Aquitaine. Ses lais amoureux, parfois avec un fond fantastique, devinrent extraordinairement célèbres.

    2 - Est devenu « vilenie ».

    3 - Le terme n’a alors pas du tout la connotation péjorative actuelle. De elucubrare , « travailler sous la lampe », il signifie d’abord une théorie élaborée après beaucoup d’efforts.

XIII
    Nogent-le-Rotrou, novembre 1305, un peu plus tard
    H ardouin s’emmitoufla dans son mantel doublé de loutre et sortit dans une nuit glaciale. Conscient que le ciel couvert qui occultait la lune devait satisfaire les coupe-bourses de tous poils, il posa la main sur le pommeau de sa longue dague, prêt à dégainer à la moindre menace. Il ne décela pas l’ombre menue tassée dans le renfoncement d’une porte d’immeuble. Il remonta Bourg-le-Comte 1 surplombé par la massive silhouette du château Saint-Jean 2 , construit sur une haute butte, en une époque où Nogent-le-Rotrou restait le dernier poste défensif du royaume Franc contre les attaques et pillages des redoutables pirates venus de Scandinavie 3 . Il dépassa l’étroite maison, nichée contre le flanc rocheux de la butte, où le mire Méchaud recevait ses patients, et sourit de ses murs qui inclinaient dangereusement sur le côté. Il fila le long des ruelles désertes, s’orientant sans difficulté dans le bourg Saint-Denis pour déboucher dans le Bourg-Neuf 4 , le quartier le plus commerçant où s’étaient massés les sergers et étaminiers dont l’excellente réputation s’étendait bien au-delà des frontières du comté. Il regretta vaguement de n’avoir pas songé à acheter une douceur de bouche chez un gastelier 5 ou un livre pour le mire, ou encore une respectueuse fanfelue 6 de dame. Un mouchoir brodé ou un sachet d’oliban 7 , en tout cas, rien qui pût encourager Blanche dans son émoi de cœur.
    Une silhouette encapuchonnée le frôla, ralentissant l’allure en le dépassant. Une haleine avinée et des relents de crasse et de sueur indiscutablement masculins fouettèrent Hardouin au visage. Son mantel fourré et ses hautes bottes de peau suscitaient des convoitises ! Il se contenta de repousser un pan de son vêtement, exposant la longue dague qu’il venait de tirer de son fourreau, murmurant :
    — Il t’en cuirait, l’homme, car je suis pressé.
    — Euh-là, pas d’excès d’bile 8 , messire. J’avions point d’mauvaises pensées, sur les cendres d’ma mère !
    — Disons que tu n’en as plus, preuve de ta grande sagesse.
    La silhouette disparut d’un pas vif, sur un juron étouffé.

    Hardouin parvint enfin devant la demeure du mire Antoine Méchaud, située à quelques dizaines de toises* du pont Saint-Hilaire, face à l’église 9 de même nom. Protégée d’un haut mur, elle s’élevait sur un solier, surplombé de combles. Il tira la cloche pendue au-dessus du robuste portail. Aussitôt, un grondement bas, très dissuasif, se fit entendre derrière les épaisses lattes de bois. Cadet-Venelle murmura :
    — Julius, nous nous connaissons.
    La sonore mise en garde de l’énorme berger de Beauce 10 à bas-rouges, protecteur de la maison, prit en ampleur.
    — Rien ne peut t’amadouer ? Tu as grand-raison, s’amusa le bourreau en ébranlant à nouveau la cloche.
    Une voix s’éleva :
    — Qui va là ?
    — Hardouin Venelle, de passage en ville, messire Méchaud. J’ai l’outrecuidance d’espérer un entretien sans l’avoir sollicité au préalable, et vous prie de croire que cette grossièreté me pèse.
    Une clef tourna dans la serrure et un péremptoire « Julius, paix ! » retentit avant que le mire ne

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