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En ce sang versé

En ce sang versé

Titel: En ce sang versé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Andrea H. Japp
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Je ne pense pas beaucoup m’avancer en vous affirmant que messire de Tisans vous sera gré de lui confier votre sentiment au sujet de sa défunte fille. Inutile de vous dire qu’au-delà de son terrible chagrin, il ne trouvera le repos que lorsque le damné responsable de ce trépas sera exécuté. Votre science peut l’aider.
    — Surtout celle de Jehan, rectifia le mire. Il avait urgente affaire ailleurs, à ce que j’ai compris, et n’a pu demeurer plus longtemps en ville. Je le déplore.
    Hardouin se leva afin de prendre congé :
    — Le merci à vous, messire mire. Vous m’avez offert une précieuse lumière. J’en ferai bon usage, comptez sur moi. Inutile de prendre froid en me raccompagnant. Je retrouverai mon chemin, à moins que Julius ne m’arrache mes chausses ! À demain, donc. Je préviendrai le seigneur sous-bailli de votre venue à l’aube.

    Son mantel serré autour de lui, Hardouin cadet-Venelle leva le visage vers une lune blafarde, diluée par des nuages laiteux qui annonçaient la neige. Ils avaient été épargnés jusque-là, mais Bernadine était formelle : l’hiver serait tardif mais rude. Elle tirait sa conviction des oignons, affirmant que leur peau avait gagné en épaisseur, incontestable signe, selon elle, de grande froidure.
    Il avança d’un pas vif, pressé de retrouver la parcimonieuse tiédeur de l’auberge, pressé de se coucher. Sans doute son habituelle vigilance lui fit-elle défaut, tant il ressassait son entretien avec Antoine Méchaud. Aussi sursauta-t-il lorsqu’une ferme poigne tira un pan de son vêtement. Une main, une toute petite main, ridée, courbée en serre, terminée de longs ongles endeuillés de crasse. Il se tourna d’un bloc, prêt à en découdre. Rien. Après un fugace instant d’incompréhension, il baissa les yeux pour plonger dans un regard bleu glacé, d’une dérangeante intensité. La mendiante. Cette vieille femme qu’il avait prise pour une gamine des rues et qui croisait son chemin avec une fréquence suspecte.
    — Oh, je vois que tu te souviens de moi, mon tout beau. Tu m’avais donné une belle pièce. Vite dépensée.
    Le même sourire indéchiffrable, amène ou railleur, il n’aurait su le dire, étira les lèvres minces de la vieille qui tendit une main squelettique vers lui, sans pour autant lâcher son vêtement.
    — Allez, un nouveau geste de bonté, mon beau seigneur.
    — Que me veux-tu à la fin ? s’énerva Hardouin. Ne dirait-on pas que tu me suis ?
    Une moue amusée et finaude crispa le visage aussi ridé qu’une pomme d’hiver.
    — Et alors ?
    Il se souvint de leur rencontre, alors qu’elle affirmait à une jeune bourgeoise qu’elle était grosse du fils tant désiré. La vieille, le fixant d’un regard féroce et le pointant du doigt, avait éructé :
    — Quant à toi, prends garde ! On te mène, mon tout beau ! Mon tout beau couvert de sang. Tu crois et tu te trompes. Tu ne sais mais tu trouveras ce que tu ne cherchais pas. Va-t’en, hors de ma vue, sitôt ! Les sbires de l’enfer sont accrochés à tes talons. Débarrasse-t’en avant qu’il ne soit trop tard. Hors de ma vue !
    Elle avait craché trois fois au sol, se signant avant de disparaître.
    De fait, il avait été mené. De fait, il s’était trompé. De fait, il avait senti les sbires de l’enfer accrochés à lui durant une nuit de fièvre, le tirant vers un gouffre dans lequel il ne devait à aucun prix les suivre.
    Une autre fois, alors qu’il lui avait donné une pièce, il avait jeté, ironique :
    — Le merci n’eût pas été de trop !
    Elle s’était immobilisée avant de rétorquer :
    — En effet… La merci pour toi ne sera pas de trop !
     
    Presque hargneux parce qu’une sourde inquiétude lui faisait perdre le contrôle de ses mots, cadet-Venelle exigea ce soir-là :
    — Pourquoi m’avoir souhaité « la merci » ? Ai-je trouvé ce que je ne cherchais pas ?
    — Oh… Mais parce que, peut-être, t’épargnera-t-on. Quant au reste, toi seul peux le savoir. Souviens-toi : certains moineaux ont serres d’aigle. Bien le bonsoir à toi, joli seigneur.
    Elle gloussa d’une joie qui parut mauvaise à l’exécuteur, lâcha le pan de son mantel et fit mine de s’éloigner. Il se détesta de sa réaction d’emportement mais ne put la retenir. D’un geste preste, bien trop violent, il attrapa les hardes qui la couvraient et la secoua en feulant :
    — La vérité, à l’instant, vieille

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