En ce sang versé
était vivement réprouvés, jugés blasphématoires. Aussi, on conserva la sonorité, en remplaçant « Dieu » par « bleu ». « Par la mort de Dieu » devint « Morbleu » ; « Par le sang de Dieu » fut transformé en « Par la sambleu ou Palsambleu ».
27 - Sorte de vaisseliers à étagères qui meublaient salles communes, chambres, et parfois les cuisines des gens ayant des moyens.
28 - Liséré de Burton.
29 - Expression qui nous vient de l’ordalie. Le prévenu posait sa main dans les braises. S’il disait vrai, Dieu lui éviterait les brûlures et sa main était supposée ressortir indemne.
30 - Le plomb est, entre autres, néphrotoxique.
31 - Du vieil anglais paltok , qui donna plus tard également « paltoquet », puisque le paletot était une veste, voire un manteau porté par les gens du peuple.
XVI
Abbaye de femmes des Clairets, novembre 1305
U n silence de sépulcre régnait au-delà de la porterie majeure. La sœur tourière qui leur ouvrit l’huis les accueillit avec un visage de fin du monde. Autorisée, en raison de sa fonction, à adresser la parole à des étrangers, elle ne se contenta pourtant que de quelques maigres mots :
— Messire de Tisans, notre bien-aimée mère vous attend en son palais.
Hardouin, attendant que le sous-bailli le présente, s’étonna. Fichtre, les visiteurs, hormis invités particuliers de l’abbesse, n’avaient pas le droit de dépasser le carré de réception délimité par les écuries, le parloir et l’hostellerie où ils pouvaient nuiter.
— Madame ma sœur, je me suis adjoint le conseil et le soutien d’un… ami de Mortagne, messire Venelle.
Le bourreau s’inclina devant la religieuse qui le salua d’un rapide mouvement de tête en déclarant d’un ton pressé :
— De grâce, me suivez. Notre mère vous espère.
Cadet-Venelle luttait contre le froid glacial qui régnait dans le bureau de l’abbesse. Elle refusait qu’on lance un feu de cheminée à la raison que de pauvres hères alentour mouraient de froid. Il sentait ses membres s’ankyloser, tout comme son raisonnement. La voix fluette quoique sèche et monocorde de l’abbesse ne l’aidait pas à reprendre le fil de la conversation, d’autant qu’elle se cantonnait depuis le début de l’entrevue dans des banalités de bon aloi, sans doute dans l’espoir de ne pas attiser le chagrin du père assis en face d’elle, livide jusqu’aux lèvres, les mains crispées sur les accoudoirs de son fauteuil. Résumant son long monologue qui ne leur avait rien appris qu’ils ne sussent déjà, elle conclut :
— En vérité, Henriette était un exemple, un modèle pour nous toutes, au point que j’avais jadis formé le projet qu’elle me succède un jour. Quelle piété, quelle force d’âme, quelle rigueur elle montrait, quel esprit aussi. En bref, quelle perte.
— Je vous suis reconnaissant du fond du cœur de cet éloge qui me conforte dans l’attachement qui me liait à ma fille de sang, madame ma mère, approuva Arnaud de Tisans d’une voix qui tremblait tant qu’Hardouin craignit qu’il fonde en larmes.
— Si je puis, et avec tout mon respect, madame ma mère… intervint-il pour la première fois.
— De grâce, monsieur mon fils.
— Henriette de Tisans avait donc quitté le monastère afin d’effectuer une tournée des aumôneurs condamnés par justice à verser amende aux ordres ?
— En effet, une tournée de quatre jours. Nous avons retrouvé son cheval non loin de l’enceinte après… après l’avoir découverte.
— Ce genre de sentences échoit en général aux auteurs d’actes coupables mais pardonnables.
Elle le détailla, ne comprenant pas où il voulait en venir, et s’enquit :
— En effet… Et ?
— Aucun d’entre eux, selon vous, même de bien méchante humeur, n’aurait l’étoffe d’un odieux meurtrier ? insista le bourreau.
— Oh, non pas, messire ! Il s’agit de gens de biens, donc le plus souvent aussi d’éducation. Ces amendes sont distribuées à la suite de blasphèmes légers ou d’insolences modérées envers un seigneur, ou même après une occasionnelle beuverie suivie d’éclats. Si leurs auteurs n’avaient point les moyens d’éviter la prison, tout juste dormiraient-ils une nuit ou deux sur la paille d’un cachot.
— Pourrions-nous en obtenir une liste ? insista l’exécuteur des hautes œuvres.
Un peu de vivacité revint à Mme Constance de Gausbert, qui
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